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«L'exception culturelle dans les accords commerciaux Europe/Etats-Unis»

«L'exception culturelle dans les accords commerciaux Europe/Etats-Unis»

Sutour. S, Rapport, Sénat, Paris, Mai 2013, 37 p.

L’enjeu du partenariat transatlantique est considérable, note d’emblée ce rapport, puisque l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique représentent ensemble près de la moitié du PIB mondial et un tiers des échanges mondiaux.

Outre «le fait qu’ils partagent des valeurs communes (la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’Homme) et contribuent ensemble à garantir la paix et la sécurité mondiale et à relever les grands défis planétaires, l’UE et les États-Unis sont en effet des partenaires stratégiques en matière de commerce et d’investissement. En 2011, l’UE était le premier partenaire commercial des États-Unis, représentant 17,6% de son commerce de marchandises, et les États-Unis étaient le deuxième partenaire commercial de l’UE, représentant 13,9% du total des échanges de marchandises de cette dernière».

Plus précisément, les États-Unis étaient en 2011 la première source de débouchés pour les exportations européennes (260 milliards d’euros) et le deuxième fournisseur de l’UE (184 milliards d’euros). La balance commerciale bilatérale, qui penche actuellement en faveur de l’UE, a atteint 73,5 milliards d’euros en 2011, observe le rapport.

Mais, au-delà de ces gains chiffrés, l’accord transatlantique actuellement en discussion, peut aussi, du fait du poids additionné des deux partenaires concernés, avoir un effet d’entraînement plus large et permettre d’introduire plus de régulation dans le commerce mondial, note le rapport, quitte à ce qu’il ne se réduise pas à un accord de libre-échange, «mais constituer un réel partenariat d’égal à égal qui respecte les valeurs fondamentales, l’identité culturelle et les préférences collectives de chacun des deux partenaires».

C’est la raison pour laquelle, le rapporteur estime qu’un tel accord doive aller au-delà du commerce et de l’investissement et «ne devra contenir aucune disposition risquant de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union, notamment dans le secteur audiovisuel».

Il s’agit d’une exception culturelle nette, estime le rapport, car «les biens et services culturels, en ce qu’ils sont porteurs de sens et d’identité, ne peuvent se réduire à leur valeur commerciale».

En même temps, rappelle le rapport, le caractère universel de la création culturelle a été consacré par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005.

Cette convention stipule que «la diversité culturelle constitue un patrimoine commun de l’humanité» et reconnaît aux parties le «droit souverain de formuler et mettre en œuvre leurs politiques culturelles et d’adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles».

L’Union européenne est partie à cette convention entrée en vigueur en 2007, mais pas les États-Unis, «ce qui ne peut manquer de nourrir les inquiétudes, d’autant plus que les intérêts offensifs américains sont bien connus dans le secteur audiovisuel. Les États-Unis font d’ailleurs partie des rares pays développés membres de l’OMC ayant contracté des engagements dans le secteur audiovisuel».

La raison en est que les États-Unis sont le premier exportateur mondial de services audiovisuels. Leur emprise va croissant avec le développement des technologies numériques : «des acteurs américains comme Netflix, Amazon ou iTunes cherchent à pouvoir accéder au marché européen, sans qu’il soit possible d’exiger de leur part le soutien à la diversité culturelle que leurs concurrents européens sont tenus de fournir. Il est donc d’autant plus préoccupant d’inclure le champ culturel dans la négociation avec les États-Unis, que la domination commerciale de ce pays est particulièrement forte en matière culturelle».

Il est vrai, remarque le rapport, que l’Union européenne peine à apporter une réponse à la convergence qui se dessine entre les services audiovisuels et les services en ligne. Elle n’ignore pourtant pas ce mouvement de convergence, dont la télévision connectée à internet est emblématique.

C’est la raison pour laquelle, la Commission européenne vient d’ailleurs de lancer, le 24 avril 2013, une consultation appuyée sur un Livre vert intitulé «Se préparer à un monde audiovisuel totalement convergent : croissance, création et valeurs».

Cette consultation met en avant «la nécessité de protéger les valeurs européennes, tout en interrogeant les règles imposées aux entreprises européennes qui sont en concurrence internationale avec des entreprises assujetties à des règles différentes, et en explorant l’impact de la convergence et du changement de comportement des consommateurs sur le mode de financement des films, des émissions de télévision et des autres contenus».

Yahya El Yahyaoui

Rabat, 23 Mai 2013

 

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