Lopez et al., Rapport, Sénat, Paris, octobre 2024, 52 p.
Dans l’introduction à ce rapport, les auteurs disent ceci : « depuis 2015, l’Arabie saoudite est dirigée par le roi Salmane, fils du fondateur du royaume Abdelaziz ibn Saoud. Mais elle est gouvernée, de fait, par son fils Mohammed ben Salmane, un prince jeune qui dans tous les domaines, a engagé le pays dans un programme de transformations profondes ».
Et de continuer : « ces transformations sont résumées dans le programme Vision 2030, dévoilé en 2016 par MBS. Ce programme, inspiré par les grands cabinets de conseil anglo-saxons, fixe une série d’objectifs extrêmement ambitieux pour le pays à l’horizon 2030, dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine social, la santé, l’environnement…etc. Il s’inscrit dans une vision extrêmement cohérente, dont la mise en oeuvre est facilitée par la très forte centralisation du pouvoir ».
Ainsi, pour faciliter l’émergence d’une économie diversifiée, productive et non dépendante du pétrole, « une série de réformes sociétales ont été entreprises : levée des freins pesant sur l’activité des femmes…et des règles strictes de séparation des sexes, suppression de la police religieuse, assouplissement des règles d’entrée sur le territoire, suppression des interdits pesant sur l’art, et particulièrement la musique… etc. ».
Il s’agit là d’une rupture profonde avec le wahabisme dont la responsabilité est lourde dans la stagnation qu’a connue le pays depuis 1979, et ses conséquences dépassent largement le champ religieux.
Or, note les rapporteurs, « la libéralisation sociale n’est en aucun cas une ouverture politique. Dans ce domaine, on peut même parler de fermeture: il s’agit d’une modernisation par le haut, tant les leviers du pouvoir, autrefois exercé dans une relative collégialité au sein de la famille royale, ont été monopolisés et verrouillés par le prince et un cercle étroit de proches ». La brutale reprise en main marquée par la détention de centaines de princes à l’hôtel Riz-Carlton en 2017 et l’assassinat de Jamal Khashoggi au consulat du royaume à Istanbul en 2018, ne s’est pas démentie, et « aucune réforme institutionnelle n’a été entreprise dans un pays où les seules élections sont municipales ».
MBS promeut désormais une version plus tolérante de l’islam, éloignée du credo wahhabite, et surtout « il met en avant un sentiment national parfois exacerbé, nourri par une mise en valeur du passé préislamique, en somme, « l’Arabie saoudite d’abord ».
En politique étrangère, L’Arabie saoudite est « un acteur historiquement prudent et réticent à l’usage de la force, qui s’est appuyé sur sa considérable richesse pétrolière et sur l’alliance américaine pour assurer sa sécurité face à ses adversaires ».
C’est pourquoi l’opération militaire lancée par MBS au Yémen en 2015, en collaboration avec les Émirats arabes unis, afin de mettre fin à la menace constituée par la milice houthie soutenue par l’Iran, a constitué une rupture fondamentale.
La diversification des partenariats engagée sous MBS a ainsi « renforcé la centralité saoudienne au Moyen-Orient et au-delà, en en faisant un acteur incontournable de tous les dossiers. Cette centralité s’est également affirmée dans la multiplication des sommets et négociations organisés sur le territoire saoudien ».
Quant au dossier israélo-palestinien, il est « l’illustration la plus nette du rôle pivot qu’assume, plus que jamais, le royaume saoudien. Très vite après les accords dits d’Abraham, par lesquels les Émirats arabes unis et Bahreïn, suivis par le Soudan (qui n’a pas encore ratifié) et le Maroc, normalisaient leurs relations avec Israël, la question s’est posée de la participation saoudienne ».
Au vu du poids de ce pays dans le monde arabe, une telle décision aurait des conséquences symboliques, diplomatiques et économiques considérables. MBS est réputé « moins sensible à la question palestinienne que ses prédécesseurs, en particulier son père Salmane, le souverain actuel ».
Il s’agirait d’un véritable remodelage politique mais aussi économique du Moyen-Orient, « l’ambition commune prêtée à MBS et à Netanyahou, ainsi qu’à certains membres de l’administration américaine, étant de créer une vaste zone de libre-échange qui s’insèrerait dans les circuits commerciaux mondiaux ».
Mais La diplomatie saoudienne a rappelé à plusieurs reprises, que « la normalisation ne saurait intervenir sans la perspective d’une reconnaissance par Israël d’un Etat palestinien ».
Rubrique « Lu Pour Vous »
8 mai 2025