Aller au contenu principal

« La technopolitique. Comment la technologie fait de nous des soldats » (2/3)

Mhalla. A, Ed. du Seuil, Paris, février 2024, 265 p.

Ce que l’auteure appelle «la Technologie Totale » est « une proposition qui permet de réunir les enjeux politiques et géopolitiques actuels : intelligence artificielle à double usage, à la fois civil et militaire, puissance militaire dopée à la technologie, techno-surveillance des populations, déformation (ou reformation) des espaces publics et de la liberté d’expression…etc. ».

Elle suppose que « les technologies et infrastructures sous-jacentes, que j’appelle l’InfraSystème, sont liées, reliées entre elles. Elles font système ».

Mais, note l’auteure, plus qu’un système technique complexe, « la Technologie Totale est l’acmé d’un projet idéologique, celui du contrôle du monde…La Technologie Totale est (donc) une idéologie-monde », car elle englobe et encapsule précisément le monde.

Elle n’a aucune limite, ni dans le temps ni dans l’espace. Elle concerne tous les pans du réel : « du quotidien de nos petites existences (discuter ou s’informer sur les réseaux sociaux, acheter en ligne) aux enjeux de sécurité intérieure d’une nation (les dispositifs de techno-surveillance), à la stabilité géopolitique et militaire du monde (demain, la stabilité du monde dépendra notamment de l’usage ou non d’armes autonomes qui posent des questions de sécurité majeures), jusqu’à la conquête de l’espace (SpaceX de Musk qui travaille à la conquête hypothétique de Mars) ».

Son projet n’est pas tant de dire le bien ou le mal que de mettre en cohérence la prise de contrôle de ceux qui la proclament. Elle est parfaitement compatible avec à peu près tous les clivages et antagonismes traditionnels : « gauche, droite, centre, républicains, démocrates, extrêmes, woke, anti-woke, nationaux-conservateurs, humanistes, conspirationnistes, pro-système, antisystème, néo-natalistes, déclinistes, anticollapsologues, antisociaux, ultra-libéraux, patriotes, progressistes, socialistes, communistes, mondialistes, isolationnistes, pessimistes, optimistes…etc. ». La Technologie Totale est de ce fait, systémique. Elle avale et se nourrit de tout et du contraire de tout.

Cette Technologie renvoie par ailleurs, à la notion de « mise en donnée du monde», condition d’existence de l’InfraSystème.

Car, « l’ensemble de toutes ces infrastructures technologiques, si elles sont hétérogènes dans leur forme, dans leur fonction et dans leur structure, ont pourtant bel et bien un objectif commun : fabriquer, capter, traiter, exploiter de la donnée…Cette mise en donnée, systématique parce que systématisée, forme un espace immatériel et infini, un datamonde…une MétaStructure ».

Algorithmes, logiciels et autres super-programmes d’intelligence artificielle ont la charge de « rendre intelligible et d’ordonnancer cette MétaStructure, la construire, l’orienter, la filtrer, la policer. En un mot, la politiser ».

La MétaStructure dont il s’agit, « est une structure impalpable, impressionniste même, de contrôle politique, un véhicule idéologique qui ne s’affiche pas comme tel. Liquide dans sa forme, solide dans son intention. Au même titre que les infrastructures matérielles classiques…la MétaStructure est le pendant immatériel et invisible de nouvelles structures de contrôle politique et social, un ensemble de dispositifs techniques du pouvoir ».

Ces technologies, celles qui sont dominantes dans nos usages quotidiens (réseaux sociaux, plateformes en ligne, messageries, moteurs de recherche, IA génératives, etc.), « sont conçues, pensées par des entités tout aussi hybrides : les BigTech, à la fois des entreprises privées mais aussi des leaders politiques qui prennent part à la conversation mondiale, qui orientent le débat et des acteurs géopolitiques ».

Le « Triptyque des BigTech » est formé de trois angles, qui sont autant de modèles interdépendants entre eux : l’angle économique, l’angle technologique et l’angle idéologique.

Vous pouvez partager ce contenu