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« Lutte contre les influenceurs étrangers malveillants » (1/4)

De legge. D, Timal. R, Rapport d’information n° 739, Sénat, Paris, juillet 2024, 377 p.

Ce rapport relève d’emblée un triple paradoxe :

°- Le premier : Il relève que « la question des ingérences étrangères a longtemps été traitée sous l’angle des services de renseignement, avec la discrétion qui les entoure. Or, pour sensibiliser plus largement la sphère de l’action publique, il est nécessaire de sortir de cette culture du secret pour mieux diffuser les messages utiles. Le secret sur l’origine des émetteurs malveillants, leurs méthodes et leurs objectifs non seulement participent de leur stratégie, mais contribue d’une certaine manière à les protéger ».

°- Le second paradoxe : Le rapport note que les influences étrangères malveillantes qui font l’objet d’investissements massifs à l’étranger (1,1 milliard d’euros investis par la Russie dans la propagande, ou encore de 2 millions d’agents en Chine dédiés à la surveillance des réseaux) ne sont traitées que par « un nombre restreint de services régaliens et une poignée d’experts de la contre-influence ». Cela se fait sans véritable synergie avec les médias qui de leur côté, consacrent des moyens de plus en plus importants à la vérification de l’information.

°- Le troisième paradoxe : Le rapport observe que « chaque citoyen est à la fois la cible et l’acteur. La cible devient potentiellement et à son insu, actrice de sa propre désinformation en participant à sa diffusion ».

Et le rapport d’affirmer en somme, que l’influence et les manipulations de l’information ne sont pas des phénomènes nouveaux dans les relations entre Etats. Ce qui est nouveau, c’est « le recours aux supports numériques avec un effet multiplicateur des technologies, l’intelligence artificielle ouvrant l’ère d’une désinformation sous stéroïdes ».

La notion d’influence, qu’on associe assez souvent à celle de «puissance douce » (soft power), fait l’objet de riches travaux académiques et de débats de politique publique.

C’est un enjeu sémantique et conceptuel qui représente un préalable à la caractérisation adéquate du comportement des acteurs étrangers, de la menace qu’ils représentent, et des réponses de politique publique qu’ils appellent.

L’influence consiste « pour un acteur A, à faire faire par un acteur B ce qu’il n’aurait pas fait autrement, et ce sans recourir à la contrainte».

L’influence constitue une finalité naturelle et ancienne dans les relations internationales. Pour autant, « elle n’est pas une finalité en soi, puisque l’influence n’a d’utilité que si elle est utilisée par un acteur étatique ».  C’est par ce dernier aspect qu’elle se distingue de la notion de pouvoir.

Pour développer sa capacité d’influence, un Etat peut rechercher à accroître sa « puissance douce » (soft power). Celui-ci peut se définir comme « la capacité d’influencer les autres afin d’obtenir [d’eux] les résultats souhaités, par l’attraction et la persuasion, plutôt que la coercition et le paiement ».

La recherche de puissance douce exclut donc la coercition, comme toute politique d’influence, mais également la rémunération, qui peut constituer un levier d’influence distinct.

La notion d’attraction est au coeur de la puissance douce qui repose, à titre principal, « sur la séduction opérée par le rayonnement d’un modèle culturel et la promotion de certaines valeurs. Il est ici utile de rappeler que le concept de puissance douce a été développé pour décrire la puissance des Etats-Unis, et le rôle joué à cet égard par la diffusion des valeurs et du mode de vie étatsuniens (American way of life), diffusés dans le monde entier, notamment au travers des productions hollywoodiennes et des séries télévisées ».

Pour autant, la capacité d’influence d’un acteur ne se résume pas à sa puissance douce. L’attraction diffuse exercée par un Etat sur les populations, sans lien direct avec un objectif stratégique précis, « ne garantit pas une adhésion de ces populations et encore moins de leurs gouvernements, à sa politique ».

Une autre forme de puissance doit ainsi intervenir : le « pouvoir discursif ». Celui-ci est défini comme « la capacité pour un Etat, à faire valoir son récit et ses vues politiques et à maîtriser les discours le concernant sur la scène internationale ».

Cette capacité est d’autant plus cruciale que, dans le contexte stratégique et technologique actuel, les guerres d’influence prennent de plus en plus la forme de « guerres de l’information ».

À l’inverse, la capacité de contrainte des autres acteurs, dans les relations internationales, repose sur la « puissance dure » (hard power), qui découle principalement de la puissance militaire, économique et technologique d’un Etat.

Rubrique « Lu Pour Vous »

26 septembre 2024

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