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«Intelligence artificielle et santé»

Redon-Sarrazy. C, Ventalon. A, Sénat, Rapport, mai 2024, 71 p.

En introduction à ce rapport, l’on lit : «à l’instar des révolutions technologiques générales que furent la machine à vapeur, l’électricité ou encore Internet, l’intelligence artificielle (IA) pourrait profondément changer la façon dont nous vivons et travaillons, et ceci dans tous les domaines… ».

Pour l’État, les collectivités territoriales et les autres acteurs publics, le potentiel de l’IA générative est immense. Bien utilisée, «elle pourrait devenir un formidable outil de transformation de l’action publique, rendant celle-ci non seulement plus efficace (qu’il s’agisse de contrôle fiscal ou de diagnostic médical), mais aussi plus proche des citoyens, plus accessible, plus équitable, plus individualisée et finalement plus humaine, avec une capacité inédite à s’adapter aux spécificités de chaque élève, de chaque demandeur d’emploi, de chaque patient ou de chaque justiciable ».

Or, si l’IA n’est qu’un outil, avec ses avantages, ses risques et ses limites, son utilisation au service de l’intérêt général «ne pourra se faire qu’à condition que les agents, les usagers et les citoyens aient pleinement confiance ».

Le service public de la santé par exemple, est assuré par une multitude d’acteurs qui produisent d’abondantes données médicales et administratives : médecins, hôpitaux, cliniques, laboratoires, centres radiologiques, caisses de sécurité sociale, équipes de recherche clinique…etc.

A l’échelle de la santé individuelle, «la prise en charge du patient nécessite le traitement de très nombreuses variables : outre les informations administratives et financières liées au soin, le parcours du patient se traduit par la collecte de masses de données biologiques ou physiopathologiques (rythme cardiaque, saturation du sang en oxygène), d’images (radiographies, échographies, endoscopies…), de comptes rendus d’examen clinique, de comptes rendus opératoires, de listes de médicaments délivrés, etc. Ces données doivent en outre, être suivies dans le temps. La révolution de la génomique ou encore les progrès des connaissances en immunologie conduisent à brasser pour chaque patient des informations de plus en plus précises, nombreuses et complexes avant de poser un diagnostic et de mettre en place un traitement ».

A l’échelle collective, «l’identification des mécanismes pertinents pour traiter les différentes pathologies, les actions de santé publique destinées à améliorer l’état de santé global de la population ou à prévenir l’apparition de maladies, nécessitent aussi de brasser des quantités considérables de données et de les croiser de manière pertinente, pas seulement dans le champ du soin, mais en prenant aussi en compte des variables d’environnement : exposition aux polluants, modes de vie, comportements…etc. ».

Le traitement simultané de ces énormes masses d’informations est difficile, voire impossible pour le cerveau humain. Les professionnels de santé n’échappent pas à cette difficulté, que ce soit en recherche ou en pratique clinique. Par conséquent, «l’informatique classique a fourni une aide précieuse pour surmonter notre incapacité à traiter seuls des informations toujours plus nombreuses et variées. Des outils numériques reposant sur une IA classique, c’est-à-dire l’IA symbolique, basée sur des connaissances et appliquant des règles prédéfinies, permettent ainsi d’améliorer le travail des soignants. Cette technologie d’IA traditionnelle, connue depuis des décennies, gagne en performances avec, d’une part, l’accroissement des capacités de calcul, d’autre part, des algorithmes toujours plus perfectionnés ».

Ces dernières années, les technologies d’IA connexionniste, fonctionnant par auto-apprentissage, supervisé ou non, ont permis des avancées spectaculaires en rendant possible la génération automatique de texte ou d’images par ordinateur.

Or, si l’IA symbolique est très explicable, elle ne fournit toutefois que des performances limitées (elle ne produit que ce pour quoi elle a été programmée et n’invente rien) tandis que l’IA connexionniste, qui fonctionne par des rapprochements statistiques, «est très performante (elle peut donner un résultat sans qu’on l’ait prévu) mais la manière de parvenir à un résultat n’est pas explicable. L’IA générative est capable de produire des contenus étonnants, d’effectuer des rapprochements auxquels on n’aurait pas forcément pensé. Elle libère donc un potentiel créatif numérique qui ouvre des champs nouveaux de réflexion ».

Dans le même temps, l’IA représente un saut technologique, susceptible d’améliorer le service public de la santé par une meilleure organisation des soins, faisant gagner à la fois en qualité des soins pour les patients et en temps de travail pour les professionnels. L’IA constitue ainsi «un levier d’amélioration du système de santé. D’importants gains de productivité sont en particulier attendus avec le déploiement de l’IA ».

Si l’IA n’est pas une solution miracle, «le déploiement d’outils l’utilisant pourrait permettre de limiter les pertes d’information, de mieux guider le déroulement d’un protocole de soins, de déclencher des alertes quand des anomalies sont repérées, et donc d’éviter les erreurs ou les mauvais choix ». L’IA permet ainsi d’effectuer des contrôles, propose des pistes diagnostiques et thérapeutiques qui enrichissent le travail médical. Le déploiement d’outils d’IA est de ce fait susceptible d’harmoniser vers le haut les pratiques médicales et d’appliquer pour tous les meilleurs protocoles.

Pour le temps gagné, l’OCDE, s’appuyant sur une étude de 2020, indique que «jusqu’à 36 % de l’activité des services de santé et des services sociaux pourraient être automatisés » grâce à l’IA.

Gestion des effectifs, programmation des soins, enchaînement des traitements, suppression des examens redondants, l’IA est susceptible de permettre une meilleure organisation générale du processus. Elle est susceptible aussi «d’améliorer la qualité des images fournies par les appareils, mais aussi de les interpréter de manière automatique, ou du moins de signaler des anomalies devant faire l’objet d’une analyse approfondie ».

L’IA peut par ailleurs, être utilisée tant dans la phase de dépistage ou de détection (diagnostic) que dans la phase de mise en œuvre de solutions thérapeutiques.

En ophtalmologie, « l’IA crée la possibilité de détection précoce de certaines pathologies, comme la rétinose diabétique, l’oedème maculaire diabétique, la dégénérescence maculaire ou encore le glaucome. En cancérologie, l’IA peut être sollicitée dans le dépistage et la détection précoce, permettant de mettre en évidence des anomalies plus rapidement et donc d’améliorer la prise en charge ultérieure des patients. En neurologie, l’IA peut être utilisée dans la phase diagnostique, mais intéresse aussi la phase thérapeutique. En cardiologie, l’IA peut aussi apporter beaucoup, d’autant plus qu’il faut souvent diagnostiquer et traiter rapidement les douleurs thoraciques ou les arythmies cardiaques, dès leur apparition ».

Au final, l’IA est en train de s’installer comme une réalité nouvelle dans le domaine de la santé, mais sans généralisation ni banalisation complète.

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