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«Les enjeux de l'évolution de l'OTAN»

Branger. J-G, et Rouvière. A, Sénat, Paris, juillet 2007, 85 p.

1- En introduction à ce rapport, l’on lit : «l’OTAN a connu au cours de la dernière décennie de profondes évolutions. Elle s’est élargie à dix nouveaux Etats membres issus de l’ancien Pacte de Varsovie. Elle s’est engagée dans plusieurs opérations militaires, y compris, pour la première fois, en Afghanistan, hors de la zone euro atlantique».

En même temps, elle a entrepris un processus de transformation visant à renforcer son aptitude aux missions «expéditionnaires», désormais prioritaires.

Or, note le rapport, «de cette relative dynamique, ne se dégage cependant pas une vision claire et précise du rôle que l’Alliance sera en mesure de jouer ces prochaines années. Alors que, dans l’immédiat, la capacité de l’OTAN est mise à rude épreuve sur le théâtre afghan, certains, et en premier lieu son secrétaire général, souhaitent engager, d’ici le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, prévu pour le 60è anniversaire de l’Organisation en 2009, une révision du concept stratégique adopté en 1999».

La prise en compte d’une dimension plus globale et non exclusivement militaire de la sécurité, la coopération plus systématique avec des partenaires extérieurs à l’Alliance, mais également la clarification des relations avec la politique européenne de sécurité et de défense, figurent parmi les sujets en débat.

2- C’est que la pérennité de l’OTAN n’allait pas de soi, au lendemain de la disparition du Pacte de Varsovie. L’organisation s’est toutefois maintenue en s’adaptant rapidement à la nouvelle donne.

Cette adaptation (mutation, observe le rapport) qui est toujours en cours, s’organise autour de trois lignes de force : «l’OTAN s’est tout d’abord élargie pour refléter l’évolution géopolitique de l’Europe. Cet élargissement n’est pas achevé… L’OTAN est entrée, ensuite, dans le domaine de l’action militaire concrète, à travers plusieurs opérations relevant d’une gamme assez large de missions n’entrant ni dans le cadre de la défense collective, ni, pour certaines d’entre elles, dans le champ géographique du traité. Enfin, l’OTAN s’efforce de servir de catalyseur pour la transformation des forces armées de ses pays membres, en privilégiant la capacité de déploiement sur les théâtres extérieurs».

Si l’élargissement a été largement salué par les membres de l’Organisation, c’est parce qu’il possède une portée politique et symbolique forte, en effaçant, une douzaine d’années après l’effondrement de l’Union soviétique, les lignes de fracture de la guerre froide.

En même temps, «l’intégration des nouveaux membres constitue en elle-même un facteur de sécurité et de stabilité, puisqu’elle suppose un règlement préalable d’éventuels contentieux territoriaux, et écarte les risques de conflits qui pouvaient en résulter».

Pour les anciens pays satellites de l’Union soviétique, «il s’agissait d’opérer la mutation d’un appareil militaire pléthorique, mais peu adapté au nouveau contexte stratégique, en réduisant les effectifs, en professionnalisant en partie les forces armées, et en rendant leurs équipements progressivement interopérables avec ceux des autres pays de l’Alliance».

3- Or, note le rapport, «depuis plusieurs mois, les autorités russes formulent des critiques extrêmement vives à l’encontre de l’élargissement et en font l’un des points de contentieux avec l’OTAN. En invoquant les déséquilibres qu’aurait provoqués l’élargissement passé, elles visent surtout à faire essentiellement obstacle à l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine, anciennes républiques soviétiques frontalières de la Russie».

L’impact militaire de l’élargissement de l’OTAN et les projets d’implantation d’éléments du système américain de défense antimissile ont constitué ces derniers mois les deux principaux sujets de différends.

En effet, «bien que la Russie ne semble plus contester le principe même d’un système de défense antimissile, puisqu’un tel système pourrait lui paraître acceptable pourvu que sa localisation géographique soit différente, ce projet l’irrite dans la mesure où il comporte une forte dimension politique, en créant, à travers la protection contre la menace balistique, un nouveau lien de dépendance entre les Etats-Unis et leurs alliés européens».

Autrement : en dépit de la profonde modification de ses missions, l’OTAN demeure essentiellement perçue en Russie comme une organisation militaire associée à la guerre froide, regroupant plusieurs centaines de milliers d’hommes et un nombre considérable de matériels. Son expansion vers le «proche étranger», que Moscou considère comme la zone de ses intérêts vitaux, a incontestablement provoqué un choc psychologique dans l’opinion publique, mais aussi dans l’appareil d’Etat et les forces armées.

4- Par ailleurs, le développement des opérations «hors zone», la diversification des domaines d’intérêt, tout comme l’extension des relations avec de nouveaux partenaires issus de la zone Asie-Pacifique, vont dans le sens d’une volonté de transformer l’Alliance en une organisation politique à vocation globale, traitant des questions de sécurité au sens large, sans champ géographique circonscrit.

Une telle perspective «relance les interrogations sur la nature et la vocation de l’OTAN dans le nouveau contexte stratégique. Les Etats-Unis, qui continuent d’imprimer leurs orientations à l’ensemble de l’Alliance, semblent désormais encourager cet élargissement géographique et fonctionnel vis-à-vis duquel d’autres pays membres se montrent plus circonspects. La nécessité de définir un nouveau concept stratégique, se substituant à celui adopté en 1999 à Washington, est en débat».

De telles ambitions supposent un élargissement des domaines de compétence et des modes d’action de l’organisation qui deviendrait ainsi plus flexible, «capable d’agir dans une large gamme d’actions militaires ou civilo-militaires, de concert éventuellement avec des partenaires extérieurs à l’Alliance».

En d’autres termes, face aux évolutions du contexte stratégique international, l’OTAN se résout de moins en moins à se cantonner aux missions de défense collective de ses membres ou de gestion des crises à la périphérie de l’Europe.

Les évolutions récentes dénotent tout d’abord une volonté de dépasser la seule mission de défense pour aller vers une mission de sécurité, entendue dans un sens large.

Il est vrai que les Etats-Unis restent l’acteur dominant au sein de l’OTAN, pour des raisons historiques et par la dimension de leurs capacités militaires, (en 2006, le budget de défense américain représentait près de 69 % de la somme des budgets de défense des 26 Etats-membres de l’OTAN). Mais il n’est pas moins vrai que, confrontés aux défis de la gestion post-conflits, en Afghanistan et plus encore en Irak, ils manifestent un regain d’intérêt pour l’OTAN, l’encourageant à s’adapter à des opérations de stabilisation longues, lointaines et exigeantes.

Si l’avenir de l’Alliance semble aussi tributaire des oscillations de la politique américaine, «c’est en partie parce que les autres Etats-membres n’ont pas eux-mêmes de vision claire et concordante du rôle qu’elle pourrait jouer dans le nouveau contexte stratégique».

Dit autrement, «l’incertitude sur les évolutions à venir de l’OTAN et l’absence de réel projet partagé entre ses différents membres, au-delà du seul attachement à la clause de défense collective, si elles devaient perdurer, pourraient fragiliser l’Alliance. Elles n’incitent guère les Européens à renforcer leur effort de défense, la plupart d’entre eux continuant à se reposer largement sur les capacités américaines, ce qui pourrait les laisser désarmés, au sens propre du terme, en cas de désengagement des Etats-Unis sur le moyen terme».

Rubrique « Lu Pour Vous »

10 décembre 2009

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