Courteau. R, Rapport, OPECST, Paris, mars 2013, 75 p.
La Méditerranée apparaît en effet beaucoup plus fragile que l’océan, note le rapport dès les premières pages. Elle constitue un espace clos dont les eaux se renouvellent en un siècle.
La pression démographique, la course à l’urbanisation littorale, l’ombre portée des pollutions passées et le développement des activités terrestres montrent que la Méditerranée est la victime de pressions convergentes, telles que :
«-les contaminants chimiques, dont certaines molécules résident toujours dans le lit des fleuves et sont périodiquement relarguées à l’occasion des épisodes de crue,
-les apports réguliers de nitrates et de phosphates,
-les pollutions émergentes, en particulier celles émanant des produits pharmaceutiques,
-les macro et les microdéchets, qui font courir un risque de polymérisation du bassin,
-la poussée des phytotoxines dans les 650 lagunes du Bassin».
A cet ensemble de menaces telluriques, il faut ajouter :
+ les rejets d’hydrocarbures dus à un trafic maritime en progression constante, et la menace potentielle représentée par des plates-formes d’exploitation pétrolière qui ne sont pas toujours récentes.
+ la pression de pollutions anthropiques de plus en plus fortes.
Si nous pouvons dès à présent, note le rapport, «identifier les effets du réchauffement des eaux et la baisse attendue de la pluviométrie, d’autres évolutions plus menaçantes encore, ont été évoquées par les scientifiques que... Il s’agit notamment de la modification de la circulation des courants, de la remontée et donc de l’affaiblissement des couches primaires de phytoplancton à la base de la chaîne alimentaire, de l’acidification du milieu marin, etc.».
En matière de pollution, il existe, indique le rapport, un contraste entre les rives nord et sud. Sur la rive nord, la création d’un droit européen soumis au contrôle de la Cour de Justice a été décisive dans le cadre de la lutte contre certaines pollutions marines. Au sud, les moyens déployés ne sont pas les mêmes, pas plus que les résultats.
Toutefois, «il ne s’agit pas uniquement d’une question de moyens, mais de priorité et de volonté politique. En témoigne le cas de la Tunisie, qui n’est pas le pays le mieux doté en ressources naturelles mais qui, depuis le début des années 1970, a développé une politique très volontariste dans ce domaine».
Par conséquent, l’écart ne fait que se creuser entre les rives nord et sud, alors que la lutte contre la pollution dans un espace quasi-clos tel que la Méditerranée devrait être commune.
S’agissant de l’apport des chercheurs au débat sur l’amélioration de la gouvernance de la lutte contre la pollution en Méditerranée, le rapport note que «Mistrals» constitue un outil précieux d’amélioration de la gouvernance. «Il s’intéresse en effet aux questions qui relèvent de la compréhension des processus qui gouvernent l’environnement en Méditerranée, et qui tirent de ces processus les facteurs anthropiques liés sur la Méditerranée».
C’est un programme intégré à l’échelle de l’ensemble du domaine méditerranéen. Une décennie a été prévue pour observer, comprendre et prédire l’habitabilité de la Méditerranée à long terme, car «la Méditerranée est un berceau historique de notre civilisation et un réceptacle très important de biodiversité. Les enjeux géostratégiques en termes d’environnement, de société et de politique y sont très forts. La zone est critique du point de vue du changement climatique global. Du point de vue socio-économique, elle est très vulnérable».
L’habitabilité de la zone est considérée comme critique dans le futur, en raison de facteurs majeurs, notamment «la croissance démographique très importante sur la Méditerranée dans son ensemble, en particulier sur les zones côtières. Les ressources y sont limitées. La Méditerranée est située dans la zone de convergence entre plusieurs plaques tectoniques, et donc soumise à des risques importants. De très fortes pressions se font donc sur les sociétés. Ces pressions peuvent générer des conflits d’usage ou géopolitiques importants».
C’est la raison pour laquelle, l’objectif du programme «Mistrals» consiste à structurer à l’échelle de la Méditerranée, et de les organiser, les différents partenaires autour d’un programme commun. La Méditerranée est un espace partagé entre l’ensemble des pays riverains. Le domaine est fermé, et la réactivité des changements aux pressions extérieures est bien plus rapide que sur les grands océans, les répercussions étant quasi immédiates d’une rive à l’autre de la Méditerranée.
Il s’agit donc de «lancer un grand programme d’observation et d’expérimentation sur la Méditerranée, à dix ans, afin d’interagir avec d’autres acteurs, et de produire des recommandations en termes de développement socio-économique durable de la Méditerranée…Dans ce cadre, des approches devront être combinées avec une vision intégrée associant l’ensemble des partenaires de tous les pays de la Méditerranée, y compris les ONG agissant sur cette mer».
Il s’agit de mieux comprendre et contrôler les mécanismes du changement climatique et de l’environnement généralement sous les pressions à la fois naturelles et anthropiques à l’horizon 2020, en coordonnant les stratégies des différents pays périméditerranéens et en s’appuyant sur des coopérations scientifiques internationales et sur des priorités définies à l’avance.
Ce programme, lourd, nécessite des moyens importants tels que l’utilisation ou le lancement de satellites, de ballons de recherche et de navires de recherche.
Huit programmes sont en cours, dont certains s’intéressent de près aux questions de pollution en Méditerranée :
-«HyMeX» a trait en particulier au cycle de l’eau en Méditerranée,
-«ChArMEx» s’intéresse à la chimie atmosphérique, aux changements qui s’y produisent et aux interactions entre les différents compartiments, en particulier les échanges avec la Mer Méditerranée,
-«MerMeX» étudie la réponse des écosystèmes aux activités humaines et aux changements climatiques en Méditerranée,
-«SICMed» s’intéresse aux domaines continental et côtier des surfaces et interfaces continentales, en particulier à l’évolution des éco-anthroposystèmes,
-« TerMex » étudie la Terre Solide,
-«BioDivMex» s’intéresse à l’évolution de la biodiversité méditerranéenne, qu’elle soit terrestre ou marine,
-«SocMed» est un programme dédié à l’évolution des sociétés en Méditerranée sous les pressions tropiques et climatiques.
Aujourd’hui, de nombreux organismes autour de la Méditerranée sont impliqués de manière très active dans ces programmes. En même temps, environ 1000 chercheurs sont impliqués tout autour de la Méditerranée.
Et le rapport de conclure : «Nous devons aussi imaginer un programme à géométrie variable. Les priorités actuelles ne sont pas nécessairement les mêmes que dans cinq ans. Nous devons être prêts à introduire de nouvelles thématiques, notamment la question littorale, c’est-à-dire une zone sur laquelle se concentrent les populations et qui est très soumise aux contraintes de pollution».
Rubrique « Lu Pour Vous »
20 juin 2013