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« Gestion de l’eau : vers de nouveaux modèles »

Frérot. A, Fondation pour l’innovation politique, Rapport, Paris, mars 2011, 36 p.

Les défis que doit relever le monde de l’eau sont multiples, note l’auteur: « tension sur les ressources, modifications des cycles hydrologiques locaux à cause du réchauffement climatique, retard en termes d’assainissement, pollutions chroniques des ressources en eau douce, mise en oeuvre effective du droit à l’eau et à l’assainissement pour les populations pauvres, émergence de nouvelles pollutions telles que les résidus de produits pharmaceutiques... ».

Il continue : « Gérer l’eau, c’est d’abord choisir entre différentes contraintes et opportunités, environnementales, sociales et économiques. Il n’y a malheureusement pas de solutions idéales. Il n’y a que des solutions optimales dans un champ de limites que l’ingéniosité s’efforce de toujours élargir ».

C’est que l’eau a besoin d’un système économique et financier qui « organise intelligemment son partage et oriente sa gestion vers les buts que les communautés locales et nationales ont établis ».

Deux grandes pistes se dessinent pour adapter ou refonder les modes d’intervention des services d’eau :

°- L’exploitation de nouvelles ressources

Dans un contexte de besoins croissants, la mobilisation de nouvelles ressources, que ce soit des ressources classiques comme les eaux perdues dans les réseaux de distribution ou des ressources alternatives comme les eaux usées recyclées, est un des moyens incontournables pour contrer la pénurie d’eau.

°- De nouveaux modes de rémunération des services d’eau et d’assainissement

En effet, « les missions additionnelles imposées aux services d’eau et majorant leurs charges, les politiques d’économies d’eau qui réduisent les recettes d’un service aux coûts quasiment fixes, ou encore les évidentes limites financières sur lesquelles butent tant de services d’eau dans les pays en développement, invitent les autorités publiques à adapter les conditions économiques d’exercice des services d’eau ».

Eviter les gaspillages et mettre fin à une relation consumériste avec la nature, est impératif lorsque les ressources en eau et en énergie se raréfient. C’est que « dans bien des villes d’Amérique, d’Asie ou d’Afrique, plus de 40 % de l’eau se perd à cause de canalisations défectueuses. Dans les réseaux de distribution de Delhi, la Nouvelle-Orléans, ou encore Riyad, les fuites atteignent 50 %. En France, le taux moyen est de l’ordre de 20 % ».

Il est vrai, rappelle l’auteur, qu’il existe un seuil au-delà duquel le coût d’un gain supplémentaire de rendement de réseau devient déraisonnable, mais « on ne peut laisser perdurer des fuites équivalant à la moitié des volumes d’eau introduits dans les systèmes de distribution ».

Gérer la demande est par ailleurs, une autre façon d’économiser l’eau, car jusqu’à présent, la culture de l’offre prédominait sur celle de la gestion de la demande. Il est aujourd’hui capital d’impliquer davantage l’abonné pour qu’il devienne acteur de sa consommation et protecteur de son environnement. Il faudrait promouvoir ce que l’auteur appelle le «civisme hydraulique », en faveur de l’adoption de comportements respectueux de l’intérêt général.

Lorsque l’eau se fait rare, combattre les pertes sur les réseaux publics et privés augmente localement sa disponibilité et limite les déperditions d’eau en cours de cycle.

Premier consommateur d’eau dans le monde, l’agriculture est aussi le premier gaspilleur. Elle utilise « plus des deux tiers de l’eau soutirée au milieu naturel, devançant largement l’industrie et les particuliers. À vrai dire, le thème de l’eau agricole est indissociable de celui de la sécurité alimentaire. Or, cette dernière reste une préoccupation permanente de nombreux pays d’Afrique et d’Asie. Boire ou manger, faudra-t-il donc choisir ? Cette formulation volontairement exagérée contient toutefois une part de vérité : la nécessaire augmentation de la production agricole ne pourra se poursuivre sans une utilisation moins dispendieuse de l’eau des champs ».

Par ailleurs, dans les pays émergents, l’augmentation de la demande en eau est synonyme de développement économique comme elle le fut en Europe et en Amérique du Nord au XIXème siècle. Dans le même temps, « la croissance des consommations d’eau est concomitante d’une meilleure hygiène, d’une diminution des maladies, d’une plus grande qualité de la vie et du développement d’entreprises qui contribuent à l’essor économique du pays ».

Mais là où l’eau est en quantité insuffisante, la solution réside moins dans « le partage de la rareté » que dans l’emploi de ressources alternatives. Deux techniques sont aujourd’hui en pleine expansion car elles ouvrent l’accès à des ressources non conventionnelles : « le recyclage des eaux usées et le dessalement d’eau de mer. Ces procédés sont employés depuis des siècles, mais les avancées techniques survenues au cours des dernières décennies ont considérablement étendu leur champ d’application ».

Les eaux usées ont ainsi gagné le statut de ressource. Si ce que l’on croyait pléthorique est devenu moins abondant, « ce que l’on regardait comme un déchet s’est transformé en ressource ».

C’est que le recyclage des eaux usées est une solution éprouvée pour produire de l’eau à des fins industrielles, agricoles ou domestiques. Les eaux usées épurées « sont récupérées en sortie de station d’épuration et reçoivent un traitement supplémentaire variable selon la destination envisagée : eau de refroidissement industrielle, irrigation de champs cultivés, arrosage de jardins particuliers, recharge de nappes souterraines...etc. ».

Il faudrait souligner toutefois que malgré son potentiel, le recyclage des eaux usées demeure encore une solution inacceptable dans certains contextes culturels, même pour l’irrigation.

L’eau de mer est par contre, la ressource la plus abondante sur terre. Elle représente 97,5 % des réserves d’eau de la planète. Or, dans le monde, à peine 1 % de l’eau potable est produite par dessalement. Par ailleurs, 40% de la population mondiale vit à moins de 70 kilomètres d’une côte maritime, c’est-à-dire dans la zone d’utilisation raisonnable du dessalement. C’est dire si cette technique est appelée à un fort développement.

En effet, « au Moyen-Orient, dans de nombreuses îles des Caraïbes ou de Polynésie, sur le pourtour de la Méditerranée, en Australie, en Californie, il est impossible de vivre sans dessaler l’eau de mer. L’Arabie Saoudite puise 70 % de son eau dans le golfe Persique et la mer Rouge. L’Espagne mise sur le dessalement pour faire face à la hausse de la demande en eau et à la limitation de ses ressources en eau douce ».

Cependant, technique hautement consommatrice d’énergie, le dessalement d’eau de mer focalise les critiques. On lui reproche de « ne pas être pertinent à l’heure du changement climatique et de mettre en danger l’environnement. Il serait absurde d’affirmer que le dessalement n’a aucun impact sur l’environnement. Sans nier cet impact, il paraît déraisonnable d’exclure ce procédé lorsqu’il apporte de l’eau à des populations qui, sans lui, en seraient privées d’autant que les progrès techniques réduisent l’énergie nécessaire à son fonctionnement ».

Le dessalement d’eau de mer, comme le recyclage des eaux usées, renforce d’un autre côté, l’autonomie d’un pays pour son alimentation en eau et permet de réduire ou d’éviter les importations d’eau de l’étranger. « Il donne accès à une ressource d’approvisionnement sûre, indépendante de pluies aléatoires et située chez soi, donc à l’abri de contraintes internationales ».

Rubrique « Lu Pour Vous »

11 septembre 2025

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