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« Intelligence artificielle et création » (2/2)

Evren. A, Darcos. L, Ouzoulias. P, Rapport, Sénat, Paris, juillet 2025, 104 p.

La création artistique, la science et la technique sont depuis toujours très imbriquées, rappelle le rapport. Les avancées scientifiques permettent de développer de nouvelles techniques que le secteur artistique, qui peut d’abord s’y montrer réticent voire hostile, s’approprie ensuite pour faire évoluer la création.

L’invention de la photographie au début du XIXe siècle est un exemple particulièrement caractéristique de cette ambivalence. « Perçue initialement comme une menace par certains artistes, parmi lesquels les poètes Alphonse de Lamartine et Charles Baudelaire, qui craignaient qu’elle ne remplace l’art pictural, la photographie trouve progressivement sa place dans le monde de la création, y compris chez les peintres qui l’utilisent comme moyen de reproduction et de documentation de leur oeuvre, à l’instar de Gustave Courbet ou d’Edgar Degas. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, elle acquiert progressivement ses lettres de noblesse en tant qu’art avec les premiers photographes-artistes comme Gustave Le Gray ou Eugène Atget ».

L’apparition des premiers ordinateurs un peu avant le milieu du XXe siècle bouleverse à son tour la pratique artistique, « en permettant l’utilisation de techniques d’automatisation dans le processus créatif. C’est à cette époque qu’émerge l’art génératif, mouvement artistique qui explore les possibilités offertes par l’informatique et les algorithmes pour permettre à des machines de créer de manière autonome ».

Toutes ces expériences artistiques préfigurent l’arrivée de l’IA dans le monde de la création à partir des années 1960. Les potentialités qu’elle offre sont notamment mises à profit par les pionniers de l’art numérique, comme Michael Noll, qui crée certaines des premières images générées par ordinateur, ou Vera Molnar, première artiste à produire en France des dessins numériques.

Aujourd’hui présente dans toutes les esthétiques, « l’IA offre aux artistes un arsenal d’outils novateurs, leur permettant de faciliter, d’enrichir, d’étendre leur pratique créative ». Cette assistance se manifeste de multiples façons, à différentes étapes du processus créatif :

• comme outil d’inspiration, « l’IA propose des idées, des suggestions d’amélioration, des associations ou des comparaisons avec d’autres approches artistiques, stimulant ainsi la créativité de l’artiste,

• comme outil d’automatisation, elle prend en charge certains aspects techniques, permettant à l’artiste de se concentrer sur les étapes les plus créatives de son œuvre,

• comme outil de perfectionnement, elle affine certaines caractéristiques matérielles d’une œuvre,

• comme outil de diffusion, elle améliore l’accessibilité d’une œuvre ».

Ces formes d’aide à la création ne se substituent pas à la vision créative de l’artiste, mais ouvrent plutôt de nouvelles perspectives d’expression et d’expérimentation. Au-delà de la simple assistance, « l’usage de l’IA générative dans la création ouvre aussi la voie à des pratiques collaboratives entre l’artiste et la machine ».

Cette co-création est rendue possible par la complémentarité des compétences : « tandis que l’artiste apporte sa sensibilité esthétique, son intention artistique, sa compréhension du contexte culturel, historique et social dans lequel va s’inscrire l’oeuvre, l’IA déploie sa capacité d’analyse et de traitement de grandes quantités de données. Des échanges entre ces deux pôles émerge une collaboration hybride qui ouvre un vaste champ de possibilités créatives et qui s’inscrit, selon certains spécialistes, dans la continuité du travail en atelier où la créativité s’exerce indirectement via des instructions, la réalisation étant confiée à des exécutants ».

Avec l’essor et la démocratisation des techniques d’IA générative, créer une image, un morceau de musique, un texte, devient à la portée de tous.

Or, si l’IA est en capacité de produire une oeuvre nouvelle, elle le fait sans intention, sans émotion, sans vécu, sans prise en compte du contexte. Elle ne fait que « répondre à une commande donnée par l’homme, à partir de contenus déjà existants, sans conscience du sens et de la portée de sa création. L’humain reste celui qui initie la démarche, qui choisit de donner tel sens et telle forme à l’œuvre ». L’IA demeure donc une potentialité que l’homme, avec plus ou moins de talent, peut exploiter à des degrés divers. L’IA agit à la fois comme outil d’aide à la création et catalyseur pour l’inspiration.

La puissance inédite des modèles d’IA générative, comme Midjourney ou ChatGPT, bouleverse toutefois en profondeur la manière dont sont produites les oeuvres cinématographiques, audiovisuelles et vidéoludiques.

Mais au défi économique et social que pose l’essor de l’IA générative à l’écosystème de la création fait écho un défi culturel et anthropologique. « La concentration de la puissance technologique entre quelques grands acteurs dominants, la standardisation des algorithmes et la persistance inévitable de biais dans les bases de données utilisées pour l’entraînement des modèles d’IA, font courir un risque d’uniformisation des contenus culturels générés ».

Sachant que ces « quasi-oeuvres » sont elles aussi appelées à entrer dans les prochaines bases d’apprentissage, il y a là une forme de consanguinité porteuse de danger pour la diversité et la richesse des créations à venir.

Ce risque d’appauvrissement artistique de la création se doublerait d’un risque de « perte d’authenticité et d’originalité, qualités qu’à ce jour, seul un artiste humain peut apporter grâce à son vécu, sa sensibilité, son savoir-faire et son expérience ».

 

Rubrique « Lu Pour Vous »

9 octobre 2025

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