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« L’intelligence artificielle va -t-elle aussi tuer la démocratie ? »

Alexandre. L, Copé. J-F, Ed. Lattès, Paris, février 2019, 219 p.

L’intelligence artificielle va bouleverser notre monde, notent les auteurs. Il s’agit d’une bombe à fragmentation pour la démocratie libérale.

Ils continuent : « la révolution actuelle n’est pas une révolution de plus. Elle est d’un nouveau type. Les progrès technologiques avaient jusqu’à présent, permis des sauts de puissance : on allait plus vite, on soulevait plus de poids, on déplaçait plus de monde. Il s’agissait de changements de proportion mais pas de nature. Il en va tout autrement des NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cognitique) qui regroupe l’Intelligence Artificielle, la robotique et les neurosciences qui font basculer le monde vers de vertigineux infinis, ceux de la miniaturisation, de la puissance de calcul et de la capacité de transformation du vivant ».

Cette différence par rapport à tous les autres cycles d’innovation technologique, menace insistent-ils, la démocratie.

On distingue généralement quatre technologies dites GPT (General Purpose Technologies) qui ont eu la particularité de bouleverser le tissu économique, mais aussi de modifier en profondeur l’organisation sociale et politique. Elles concernaient : « le développement des machines à vapeur, du charbon et du chemin de fer (1830), suivi de l’électricité (1875), puis du moteur à explosion de l’automobile (1900). Nous sommes entrés, vers 1975, dans la révolution informatique avec la généralisation du microprocesseur ».

L’intelligence artificielle dépasse l’homme dans un nombre croissant de secteurs. Mais, « elle ne possède aucun bon sens, aucune conscience du monde et d’elle-même. Son nom est usurpé ». Elle cause en effet sept ruptures majeures qui permettent d’asseoir leur domination :

Première rupture : « l’IA crée des monopoles difficiles à réguler en lieu et place de géants industriels... Les IA de 2018 dites connexionnistes, s’éduquent à partir de gigantesques bases de données, ce qui donne un immense pouvoir aux GAFA américains et BATX chinois qui en sont les détenteurs ».

L’addiction produite par l’IA est la deuxième rupture. Comme elle a besoin de beaucoup de données pour apprendre, « les géants du numérique rendent leurs applicatifs addictifs, ce qui leur permet de récupérer les montagnes d’informations nécessaires. Plus une IA est bête, plus elle a besoin de données, plus notre addiction lui est nécessaire ».

Troisième rupture : « l’IA permet la société de surveillance et s’en nourrit, puisqu’elle aussi lui apporte énormément de données. En matière de reconnaissance des visages, les IA chinoises dépassent celles de la Silicon Valley grâce à une réglementation de la télésurveillance favorable ».

Dans le même temps, le monde ultra-complexe mi-réel, mi-virtuel, créé par l’IA, exige des médiateurs humains extrêmement doués. Cette quatrième rupture entraîne une explosion des inégalités : « les dompteurs des IA deviennent richissimes. Si l’IA était dotée d’intelligence générale, elle se suffirait à elle-même, mais elle ne l’est pas, et sa bêtise est indirectement une machine à attiser les tensions populistes ».

Cinquième rupture : l’IA favorise l’émergence de régimes censitaires. Le monde de l’IA « n’est lisible que par les humains ayant une forte intelligence conceptuelle. Réguler le big data exige des experts multidisciplinaires, maniant à la fois l’informatique, le droit, les neurosciences… Les gens capables de gérer cette complexité politico-technologique deviennent la nouvelle aristocratie ».

Sixième rupture : « comme l’IA ne comprend rien, n’a aucun bon sens ni esprit critique, nous créons un monde IA friendly, pour lui faciliter les choses, ce qui accélère la fusion du réel et du digital. La route de 2040 n’est plus bâtie pour être lisible par nos yeux, mais par les IA des voitures autonomes ».

Septième et dernière rupture : la correction des biais de l’IA devient une part majeure de l’activité humaine. En effet, « les IA génèrent un nombre explosif de biais que seules d’autres IA en coordination avec des super-experts humains, pourront dépister et corriger. Microsoft est meilleur en cyber que 95 % des Etats. Ces gens-là ont le succès commercial et voient les Etats peiner à imposer des normes quand eux l’ont déjà fait ».

L’Internet décentralisateur et libertarien de 1995, a enfanté l’IA, paradoxalement « le plus puissant outil de centralisation politique et économique que l’humanité ait connu. Le pouvoir est concentré dans une poignée de mains : Washington et ses GAFA, le parti communiste Chinois et ses BATX…le cyber-autoritarisme remporte victoires sur victoires contre la démocratie libérale ».

Ces bouleversements géopolitiques ne doivent rien au hasard, mais sont la conséquence des immenses investissements éducatifs, scientifiques, technologiques: la part de la Chine dans les dépenses mondiales de recherche a explosé (2 % en 1995 à 23 % aujourd’hui), c’est-à-dire plus que l’Europe tout entière, et elle se rapproche à grands pas des USA. Les pays d’Asie de l’Est deviennent des géants scientifiques pendant qu’en Europe du Sud (Espagne, Italie et Portugal), on investit à peine un peu plus de 1 % de la richesse nationale en recherche. Le taux est de 2,2% en France contre bientôt 5 % en Corée du Sud.

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, notent les auteurs. Dans le monde instable des NBIC, « bouger un détail peut avoir des conséquences majeures. Modifier l’encadrement de l’IA, la régulation des manipulations technologiques ou la surveillance des prothèses intracérébrales pourra changer notre modèle civilisationnel et avoir des répercussions incalculables ».

La loi va devoir ainsi se réinventer pour encadrer l’IA. « La gouvernance, la régulation et la police des plateformes d’IA vont devenir l’essentiel du travail parlementaire. Cela suppose que les parlementaires comprennent que la vraie loi est produite par l’IA des géants du numérique, que leur rôle est d’encadrer ces derniers et qu’un bon parlementaire est nécessairement un bon connaisseur de l’IA ».

Avec l’IA la nature du débat politique change radicalement. « Dans quelles limites doit-on confier nos existences et en laisser le contrôle aux géants de l’IA ? ».

La démocratie est résiliente, mais « elle doit affronter aujourd’hui une multitude d’agressions simultanées et imprévues. Ni les politiciens, ni les intellectuels, ni les scientifiques n’ont anticipé toutes les conséquences de l’IA sur la démocratie. Et beaucoup ne les ont pas encore comprises ».

Mais l’IA menace la démocratie, car elle sape ses principaux piliers : « c’est aujourd’hui la capacité des institutions à indiquer une direction, à mener la marche du changement, à contrôler et contraindre les acteurs, à protéger les populations et à limiter les inégalités pour maintenir la cohésion sociale qui est gravement remise en cause ».

 

 Rubrique « Lu Pour Vous »

28 août 2025

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