Gantzer. G, Institut Diderot, Paris, septembre 2019, 35 p.
Gaspard Gantzer est de ceux qui pensent que la démocratie ne saurait exister sans débat, c’est-à-dire sans communication : «la formation d’une opinion publique impose en effet, que chacun s’informe sur les aspects de la vie de la cité qu’il ne connait pas par lui-même, les évalue et confronte l’opinion qu’il s’en fait avec celle de ces concitoyens, en vue d’œuvrer à une évolution qui convienne au plus grand nombre».
Or, cette condition nécessaire de la démocratie n’est pas une condition suffisante, car la réalité des faits montre que le but n’est pas toujours le débat démocratique, mais aussi ou plutôt la recherche de l’adhésion de plus grand nombre à leurs vues : «si la communication est échange, elle est toujours initiée par un émetteur qui n’attend pas toujours une réponse, mais souvent adhésion ou soumission».
Ceci pour dire que la communication est un moyen dont les effets dépendent des finalités de ceux qui les mettent en œuvre.
Mais la communication, quoi qu’indissociable de la politique, ne se réduit pas à toujours à de la simple propagande, la démocratie, comme le montre Habermas, supposant un espace public où les citoyens communiquent les uns avec les autres.
La communication sert ainsi la démocratie en ce qu’elle permet au pouvoir politique «d’expliquer ce qu’il fait, de décrire comment il remplit ou corrige ses engagements, de mettre en valeur ses réussites et même, quelquefois, de reconnaître ses échecs». Autrement dit, «la communication politique est liée à l’obligation démocratique de devoir rendre des comptes et retourner devant le suffrage universel».
La communication politique ne se réduit pas par ailleurs, à une série d’outils. Il est inexact de la circonscrire à un ensemble de techniques comme les relations-presse, l’écriture de discours ou le community management. Elle ne se confond pas non plus avec l’utilisation des médias : plus important que le contenu de ce qu’on dit est le canal par lequel on le dit, prophétisait Marshal Mc Luhan.
Et les dirigeants politiques ont tendance à le croire. «Ils commencent par se faire inviter à la radio ou à la télévision et après, éventuellement, réfléchissent à ce qu’ils veulent dire. Ils considèrent que la notoriété et l’image que donnent les médias est plus importante que le contenu».
Or, un dirigeant devrait d’abord se demander non pas où parler, mais s’il a vraiment quelque chose à dire, «le meilleur choix, parfois, étant de savoir rester silencieux».
C’est pour dire que la communication politique n’est pas un ensemble de techniques. Ce n’est pas se servir des médias. «C’est la capacité à mettre en mots, en images, en symboles, la capacité à faire appel à l’imaginaire pour servir la démocratie et un message politique».
Il faudrait toutefois noter que l’émergence de l’infotainment, mélange d’information et de divertissement, et l’apparition d’Internet ont changé la plupart des règles. «Il y avait auparavant une unité de temps, ce qu’on appelle la chronologie des médias: des rendez vous matinaux avec la presse écrite et les matinales radio, des rendez-vous de midi, des rendez-vous du soir avec comme point d’orgue le journal télévisé…Aujourd’hui, l’information est en continu. Une information peut sortir à n’importe quel moment. Là où avant il aurait fallu attendre le bouclage d’une conférence de rédaction, l’information est désormais constante et instantanée».
L’information est aussi déterritorialisée. «Il n’y a plus de monopole géographique de l’information. Plus d’unité de temps, plus d’unité de lieu, plus d’unité d’action non plus : aujourd’hui, chacun peut se faire journaliste». Le paysage médiatique est ainsi totalement éclaté, sans règle, investi n’importe quand, n’importe où, par n’importe qui».
Mais au-delà d’un tel pronostic, l’auteur est convaincu que «l’avenir de la communication politique, ce n’est pas la presse, la télévision ou la radio, qui sont des médias vieillissants. Ce n’est pas non plus Internet. La Toile en tant que telle ne corrigera pas les défaillances démocratiques de nos sociétés. Ce n’est pas parce que des hommes politiques tweetent ou vont sur Facebook qu’ils retrouvent le lien avec les citoyens».
L’avenir de la communication politique passe selon lui, par l’agora citoyenne : «renouer avec la conception athénienne de la communauté politique, la plus fondamentale qui soit : se retrouver à plusieurs pour échanger entre citoyens».
C’est la raison pour laquelle, il estime que la seule issue pour réenchanter la démocratie, retisser le lien démocratique, c’est d’avoir la modestie de faire de la «simple» politique : «rechausser ses bottes, aller dans les rues, aller frapper à toutes les portes, les unes après les autres…La seule manière de persuader les gens est d’aller directement parler avec eux, les yeux dans yeux».
Rubrique «Lu Pour Vous »
02 février 2023