De legge. D, Timal. R, Rapport d’information n° 739, Sénat, Paris, juillet 2024, 377 p.
La définition concrète de l’influence « consiste pour un acteur A, à faire faire par un acteur B, ce qu’il n’aurait pas fait autrement, et ce sans recourir à la contrainte ». C’est par ce dernier aspect que l’influence se distingue de la notion de pouvoir, dont l’exercice inclut la contrainte ou la menace d’y recourir.
L’influence n’est pas une finalité en soi. Elle n’a d’utilité que si elle est utilisée par un acteur, étatique ou non-étatique, pour atteindre un objectif. Celle-ci permet à un acteur, en fonction de ses intérêts, de «faire, faire faire, empêcher de faire et refuser de faire ».
Par ailleurs, pour développer sa capacité d’influence, un État peut rechercher à accroître sa « puissance douce » (soft power), selon le concept forgé par le politologue américain Joseph Nye. Celui-ci peut se définir comme « la capacité d’influencer les autres, afin d’obtenir [d’eux] les résultats souhaités, par l’attraction et la persuasion, plutôt que la coercition et le paiement ».
La recherche de puissance douce exclut ainsi la coercition, comme toute politique d’influence, mais également la rémunération, qui peut constituer un levier d’influence distinct.
La notion d’attraction est au coeur de la puissance douce qui repose, à titre principal, « sur la séduction opérée par le rayonnement d’un modèle culturel et la promotion de certaines valeurs ». Pour autant, « la capacité d’influence d’un acteur ne se résume pas à sa puissance douce. L’attraction diffuse exercée par un État sur les populations, sans lien direct avec un objectif stratégique précis, ne garantit pas une adhésion de ces populations et encore moins de leurs gouvernements à sa politique ».
Une autre forme de puissance doit ainsi intervenir : le pouvoir discursif. Celui-ci se définit comme « la capacité pour un État, à faire valoir son récit et ses vues politiques et à maîtriser les discours le concernant sur la scène internationale ».
Cette capacité est d’autant plus cruciale que, dans le contexte stratégique et technologique actuel, les « guerres d’influence » prennent de plus en plus la forme de « guerres d’information ».
À l’inverse, la capacité de contrainte des autres acteurs, dans les relations internationales, repose sur la « puissance dure » (hard power), qui découle elle-même principalement de la puissance militaire, économique et technologique d’un État.
Le pouvoir discursif passe également par la capacité d’un État à mettre en oeuvre une communication stratégique, qui se définit comme « une communication mise au service des objectifs stratégiques d’un État. Son efficacité dépend de la capacité de l’État à produire un récit (ou un «narratif ») parvenant à présenter de manière positive, de façon structurée et adaptée au public qu’il cible, les valeurs et les intérêts qu’il défend, ainsi que la cohérence de son action internationale au regard de ses valeurs et de ses intérêts ».
L’ensemble de ces leviers peuvent être mis au service d’une influence qualifiée de « positive », qui vise à défendre ses intérêts sans chercher à nuire ou à affaiblir un autre État.
Dans le cadre d’un conflit armé, la lutte d’influence se déploie aussi dans la couche informationnelle du cyberespace, notamment sur les grandes plateformes numériques. « Elle se matérialise notamment par la communication stratégique militaire (ComStrat) ciblant l’opinion publique locale d’un théâtre d’opération ou l’opinion publique internationale, ainsi que par la conduite d’opérations psychologiques (dites « PsyOps »), qui peuvent être définies comme des opérations menées pour influencer les opinions, les émotions, les motivations et les comportements des troupes ennemies ou des civils, de sorte à perturber les prises de décision de l’adversaire ».
Contrairement à l’influence, l’ingérence n’est pas une finalité mais un procédé : « l’influence, même malveillante, peut passer par des canaux légitimes, sans opération d’ingérence. À l’inverse, certaines opérations d’ingérence, par exemple dans le champ économique et juridique, relèvent de finalités distinctes de l’influence ».
Les ingérences à finalité d’influence malveillante, sont principalement de nature informationnelle. Il s’agit « d’opérations de manipulation de l’information et de déstabilisation des opinions publiques ».
Rubrique « Lu Pour Vous »
10 octobre 2024