Gabriel. V, Centre d’étude des crises et conflits internationaux, 2020, 51 p.
Robots, algorithmes, drones, voitures intelligentes, machines pensantes et cybersurveillance. Toutes ces thématiques étaient, il y a encore une quinzaine d’années, réservées au champ de la science-fiction. Pourtant, «l’intelligence artificielle (IA) est aujourd’hui une réalité indéniable : elle se retrouve dans notre téléphone portable, dans les algorithmes supportant les sites Internet que nous consultons, dans les logiciels que nous utilisons. Et ce n’est encore qu’un début. En effet, l’IA a pour vocation de s’appliquer à l’ensemble de l’activité humaine d’ici 2030 ».
Et l’auteur de continuer : « bien plus qu’une révolution technologique, l’arrivée de l’intelligence artificielle induit surtout une révolution géopolitique. Par sa vocation à profondément recomposer l’ensemble de l’activité humaine, l’IA représente aujourd’hui un enjeu de pouvoir considérable, donnant lieu à une nouvelle rivalité interétatique. A cet égard, l’intelligence artificielle offre un angle particulièrement représentatif des nouvelles dynamiques parcourant le système international en ce début de XXIe siècle, dont la moindre n’est certainement pas la rivalité sino-américaine ».
Largement méconnue, cette technologie se situe pourtant au coeur de la rivalité entre les deux géants géopolitiques que sont les Etats-Unis et la Chine et est amenée à devenir l’enjeu de puissance principal du XXIe siècle.
Au centre de cette technologie trônent les données, raison pour laquelle elles font l’objet des prédations des grandes puissances : « Celui qui dominera l’intelligence artificielle dominera le monde ». Cette phrase, massivement reprise depuis, a été prononcée devant un parterre d’étudiants par le président russe Vladimir Poutine en 2017. Elle résume parfaitement les enjeux que représente l’intelligence artificielle pour les grandes puissances du XXIe siècle.
L’Intelligence Artificielle est donc à la fois une ressource stratégique et une technologie essentielle. La compétition est ardue, car cette technologie pose un double enjeu. Il convient de la maîtriser « afin d’améliorer sa société de l’intérieur, tout en gérant la compétition extérieure le plus efficacement possible, en se protégeant de l’influence d’un Etat de facto rival ».
En ce sens, l’Intelligence Artificielle présente bel et bien un aspect géopolitique. Elle est un « accélérateur instrumental des antagonismes interétatiques, au même titre (…) que l’arme nucléaire, à cette différence près que ce nouvel ensemble technologique paraît à même d’établir la supériorité d’un acteur dans tous les domaines de l’activité humaine ».
L’intelligence artificielle pose également de cruciaux enjeux économiques : « les énormes besoins d’infrastructures et de financements qu’elle exige contribuent de facto à renforcer davantage le fossé du développement entre le Nord et le Sud ».
Les dangers sont également internes aux Etats, l’IA risquant « d’approfondir les inégalités qui rongent déjà les sociétés occidentales. En effet, elle pourrait entraîner une reconfiguration du marché du travail, impactant et modifiant la majorité des emplois actuels. Il s’agit là de l’implication de l’intelligence artificielle la plus discutée aujourd’hui ».
Ainsi, par sa capacité à reconfigurer l’ensemble des activités humaines et de l’Etat, l’intelligence artificielle représente un « énorme potentiel économique, stratégique, social, politique et militaire, qui fait d’elle un enjeu géopolitique à part entière ».
Rubrique « Lu Pour Vous »
29 août 2024