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«Les enjeux migratoires aux frontières Sud de l’Union européenne et dans l’océan indien»

Marcangeli. L, Youssouffa. E, Rapport, Sénat, Paris, mai 2023, 75 p.

Dans l’introduction à ce rapport, l’on lit : «l’année 2022 et le début de l’année 2023, ont été marqués par un redémarrage très net des flux migratoires, qui s’observe aussi bien dans les franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union européenne, que dans le nombre de demandes d’asile déposées».

En effet, y lit-on toujours, «les migrations vers l’Europe se font aujourd’hui essentiellement par la route des Balkans occidentaux et par la Méditerranée centrale. Celle-ci a connu au cours des derniers mois, une augmentation exponentielle des traversées. L’existence de facteurs structurels à la migration, qu’il s’agisse de l’instabilité en Afrique subsaharienne, de l’insécurité alimentaire ou de la crise climatique, devrait conférer à cette reprise des flux un caractère durable».

C’est qu’il y a effectivement depuis cette date, une reprise croissante des entrées irrégulières au sein de l’Union européenne. Il peut s’agir de personnes ne sollicitant pas ou n’obtenant pas de titre de séjour, ou encore de personnes déboutées du droit d’asile.

En France par exemple, la population des étrangers en situation irrégulière tend à se «cristalliser», compte tenu des grandes difficultés rencontrées pour procéder à leur éloignement.

Et le rapport de remarquer que «la route des Balkans est devenue en 2022, la route la plus empruntée au Sud de l’Europe, avec 145 600 franchissements irréguliers, en augmentation de 136% par rapport à 2021. C’est sur cette route qu’ont été enregistrées 45% des entrées irrégulières en Europe en 2022. Les principales nationalités concernées ont été les Syriens, les Afghans et les Turcs, mais on a observé également une augmentation du nombre de Tunisiens, d’Indiens et de Burundais, nationalités qui avaient été peu présentes jusqu’alors sur cette route».

Soumise à une pression migratoire exceptionnelle, l’Autriche est par ailleurs, le deuxième pays européen pour le nombre de demandeurs d’asile par habitant.

Cette pression a incité l’Autriche à «se tourner vers la coopération bilatérale, en concluant avec le Maroc, des accords en matière de lutte contre l’immigration illégale, rendus publics en février 2023. À titre d’indicateur, selon les données du ministère autrichien de l’intérieur, plus de 1 300 Marocains avaient déposé une demande d’asile en Autriche au mois de janvier 2023, 90% d’entre eux étaient arrivés dans le pays de manière illégale».

L’exemple du Maroc montre qu’un certain nombre d’États tiers, qu’il s’agisse de pays d’origine ou de transit, sont enclins à «conclure des accords de coopération, mais plus sur un mode bilatéral que de manière globale avec toute l’Union européenne, soit qu’ils estiment en retirer des contreparties plus intéressantes, soit qu’ils aient un différend ou une mésentente avec un ou plusieurs États membres».

D’un autre côté, le rapport relève que la Méditerranée centrale avait été en 2021, «la première voie d’accès au Sud de l’Europe, avec plus de 68 000 entrées irrégulières décelées. Elle est passée au second rang en 2022, derrière la route des Balkans. Elle n’en a pas moins enregistré, avec plus de 100 000 entrées irrégulières, une hausse de 51% des arrivées par rapport à 2021. Les arrivées de Libye et de Tunisie n’ont ainsi jamais été aussi nombreuses depuis 2017. Les Égyptiens, les Tunisiens et les Bangladais ont été les trois premières nationalités concernées».

En Méditerranée orientale, quelque 42831 franchissements irréguliers des frontières ont été détectés en 2022, en doublement par rapport à l’année précédente.

Les routes de la Méditerranée occidentale et d’Afrique de l’Ouest sont des routes relativement sous contrôle

L’Espagne par exemple, a eu recours depuis plusieurs années, à la mise en place «d’un système intégré de surveillance des frontières, notamment sur le détroit de Gibraltar, avec l’utilisation de radars. La coopération entre le Maroc et l’Espagne s’est révélée efficace. Un accord de réadmission a été conclu entre les deux États. Les autorités marocaines ont accepté d’exercer une mission de surveillance des côtes. Les arrivées irrégulières par cette route ont diminué de 21% en 2022 par rapport à 2021, avec un chiffre de 14 582».

Tous les signaux laissent toutefois présager, pour les années à venir, l’amplification des flux migratoires actuels, sous les effets conjugués de «la levée des dernières restrictions sanitaires appliquées aux déplacements internationaux et des tensions géopolitiques en cours. Les crises, manifestes ou larvées, au Sahel, au Soudan, dans la région des Grands Lacs, en Tunisie, au Liban, en Turquie, continueront d’alimenter les flux migratoires à destination du flanc Sud de l’Europe».

La situation sécuritaire, démocratique et humanitaire de même que l’existence de menaces hybrides dans un certain nombre d’États du Moyen Orient, d’Afrique sahélienne et subsaharienne et de la Corne africaine sont, de ce point de vue, «particulièrement préoccupantes», note le rapport.

Il est vrai qu’à la frontière espagnole, la pression migratoire pourrait continuer à baisser à l’avenir, compte tenu des investissements réalisés par l’Espagne dans les pays africains voisins, du contrôle exercé par le Maroc sur la façade atlantique, à la suite de l’amélioration des relations diplomatiques entre les deux pays, conjugué à une surveillance accrue au départ de la Mauritanie, du Sénégal et de la Gambie, mais il n’est pas moins vrai que la maîtrise de ces flux reste «soumise à l’aléa du maintien d’une bonne entente diplomatique avec ces différents États».

«Lu Pour Vous»

14 mars 2024

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