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«Quelle boussole stratégique pour l’Union européenne ?»

Le Gleut. R, Conway-Mouret. H, Rapport, Sénat, Paris, 7 juillet 2021, 113 p.

Ce début de siècle se caractérise, note ce rapport, à la fois par l’émergence de nouveaux dangers, par une nouvelle assertivité de puissances aux visées déstabilisatrices et par un leadership mondial américain progressivement contesté par la spectaculaire montée en puissance de la Chine.

Si l'Union européenne a graduellement mis en place, depuis les années 90, une politique de sécurité et de défense commune (PSDC), ses ambitions de cette politique restaient limitées.

En effet, la plupart des États membres, «soit qu’ils s’estiment exposés à de trop graves menaces, notamment sur le flanc Est, soit qu’ils disposent de trop faibles capacités de défense, soit les deux à la fois, continuaient pour l’essentiel à s’en remettre à la garantie de sécurité offerte aux Alliés par l’OTAN».

Mais, les Etats Unis appellent toujours à un meilleur «partage du fardeau» de la défense entre Alliés, si bien que chacun d’entre eux «s’est engagé en 2014, au sommet de l’OTAN de Newport, à consacrer au moins 2% de son PIB à la défense dans les 10 ans. C’est ainsi que, à partir de 2015, s’est inversée la tendance à la baisse des dépenses de défense dans les pays de l'UE».

Autrement dit, l’administration Trump ayant remis ouvertement en question la garantie américaine de la couverture transatlantique, les Européens ont été de plus en plus nombreux à se demander si «le moment n’était pas venu de relancer efficacement la PSDC, afin de parer à toute éventualité».

Aujourd'hui, souligne le rapport, l'Union européenne est loin de pouvoir et de vouloir endosser le rôle de pôle mondial de stabilité, qui joindrait au respect du multilatéralisme et des droits de l’homme, le respect universel qu’inspire une puissance de premier rang. La réussite de l’administration Biden sur le plan intérieur est cruciale à ce niveau, puisque d’elle «pourrait dépendre la soutenabilité politique du retour des États-Unis sur la scène mondiale que les Européens constatent aujourd'hui avec soulagement et de l’avènement d’une nouvelle pax americana, que celle-ci se déploie sous la bannière de l’ONU ou celle de l’OTAN».

L'Union européenne peut-elle se donner les moyens de tenir ce rôle minimal, en matière de gestion de crise, en complément de celui qu’exerce l’OTAN pour la défense de son territoire? Cela fait trente ans qu’elle s’y essaie, plus ou moins.

La «stratégie européenne de sécurité» adoptée en 2003, et révisée en 2007, puis la «stratégie globale de l'Union européenne» (SGUE), adoptée en 2016, constitue d’ailleurs à ce jour, la «doctrine actualisée de l'Union européenne pour améliorer l'efficacité de la défense et de la sécurité de l'Union et de ses États membres».

Mais, au total, «le bilan de trente ans de sommets, de réunions, de votes, de traités, de plans, de création d’instances et d’instruments de toutes sortes pour renforcer et organiser la sécurité et la défense de l'UE, reste décevant. Trente années d’efforts n’auront permis, en particulier, ni un diagnostic qui soit à la fois détaillé et partagé des menaces auxquelles l'UE est exposée, ni l’existence de forces immédiatement mobilisables pour réagir à une crise, ni des modalités de décision efficaces pour engager une opération, ni un processus capacitaire suffisamment incitatif pour combler les lacunes de l'UE en termes de disponibilité et de production des matériels nécessaires. En dépit de quelques avancées prometteuses, ce furent donc, pour une large part, trente ans de gesticulations».

C’est dans cet esprit que l’Allemagne a proposé en 2019 la rédaction d’une «boussole stratégique», qui constituerait une forme de livre blanc pour la sécurité et de défense de l’UE.

Au-delà des domaines classiques de la gestion de crise et des capacités civiles et militaires que celle-ci nécessite, «elle est structurée pour traiter à parité de la résilience, favorisant une réponse plus complète à la diversité des menaces, et des partenariats, au rang desquels figure notamment celui de l’OTAN».

La boussole stratégique a vocation à «constituer la nouvelle doctrine de défense européenne, de nature à permettre d’accorder la capacité d’action réelle de l'UE avec son niveau d'ambition, qui mérite sans doute d'être précisé, en définissant les initiatives à prendre en matière de sécurité et de défense dans les dix prochaines années».

Ce niveau d'ambition comporte une dimension politique et une dimension militaire. Sur le plan politique, «trois priorités stratégiques dans le domaine de la sécurité et de la défense sont retenues: la réaction aux crises et conflits extérieurs, le renforcement des capacités des partenaires, la protection de l'Union et de ses citoyens. Sur le plan militaire, ces objectifs requièrent tout l'éventail des capacités de défense».

La boussole stratégique dont il est question comprendra ainsi deux principales contributions : «une analyse commune de la menace et des vulnérabilités de l’UE, et la définition d’orientations et d’objectifs à horizon 2030, elle-même organisée autour de quatre volets ou paniers, structurant la posture de l’UE dans son environnement stratégique: la gestion de crise, la résilience, les capacités et les partenariats» :

°- Pour le volet «gestion de crise intérieure ou extérieure», il s’agit de tendre à devenir un «pourvoyeur de sécurité» qui se révèle davantage «capable et effectif» face aux crises, d’améliorer la réponse et la réactivité opérationnelle,

°- La résilience consiste, quant à elle, à «sécuriser l'accès aux biens communs (cyber, haute mer, espace), à évaluer les vulnérabilités stratégiques dans la défense et la sécurité (déstabilisation, menaces hybrides, menaces portant sur les infrastructures critiques, les chaînes d’approvisionnement…etc.), à renforcer l'assistance mutuelle et la solidarité entre les États membres»,

°- Pour ce qui est du développement des capacités, il s’agit «de développer les capacités militaires et civiles nécessaires, d’améliorer le processus de développement des capacités, de promouvoir l'innovation et la souveraineté technologique, dans le sillage des principaux outils capacitaires mis en place dans la période récente: coopération structurée permanente»,

°- S’agissant des partenariats, le projet portera sur «la structuration de la coopération avec certaines organisations internationales (ONU, OTAN, OSCE, Union africaine, ASEAN, G5, Sahel…etc.), le développement d’une approche stratégique avec des pays tiers, l’aide aux partenaires de l'UE pour gérer eux-mêmes leur sécurité…etc.».

Les deux premiers paniers définissent une ambition, les deux derniers traitent de sa mise en oeuvre. Dit autrement, les deux premiers paniers traitent des objectifs, les deux autres des moyens.

Rubrique «Lu Pour Vous»,

27 octobre 2022

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