Noisette. P. T, Ed. LibroVeritas, 2010, 109 p.
1- En l'année 2000, «la plus puissante démocratie de la planète, les États-Unis d'Amérique, a attendu plus d'un mois pour connaître les résultats de son élection présidentielle. Citoyens et médias ont suivi les recomptages et controverses dans les bureaux de vote de Floride, dans l'incertitude : le nouveau président était-il Al Gore ou George W. Bush ? La Cour suprême a tranché en faveur de George Bush, et les recomptages complets des bulletins n'ont jamais eu lieu… ».
En 2007, un million et demi d'électeurs français ont dû utiliser, lors des élections présidentielles, puis législatives, des machines au lieu d'employer un bulletin. Ces ordinateurs de vote ont été «critiqués avant et pendant les élections, une pétition a recueilli près de 100 000 signatures, et plusieurs informaticiens ont mis en garde contre les dangers et failles du vote électronique».
Par vote électronique, l’auteur entend «les procédures de vote dans lesquelles l'expression même du vote passe par un ordinateur, une machine fonctionnant avec des logiciels», l'électeur ne votant pas à distance mais se rend dans un bureau de vote, et doit appuyer sur des boutons, employer un crayon optique ou un écran tactile, pour exprimer son choix. Dans tous ces cas, «l'expression du vote, le dépouillement et le décompte des voix passent par des programmes et des machines».
De façon générale, note l’auteur, le vote électronique ne paraît pas répondre aux espoirs qu'il a nourris, «à l'exception de la Suisse qui semble constituer une exception, et où les citoyens sont appelés à se rendre aux urnes plusieurs fois par an».
En Espagne, en Italie et au Portugal, «le vote électronique ne donne pour l'instant lieu qu'à des tests sans valeur juridique». En Grande-Bretagne, des expériences ont été menées depuis 2000, mais «les électeurs gardent le choix de voter de façon traditionnelle, contrairement à ce qui s'est passé en France».
Le Brésil est devenu par contre, et en quelques années, «le premier pays au monde à avoir des élections entièrement électroniques. Les premiers essais y furent menés en 1989 dans l'État de Santa Catarina, avec des ordinateurs, et en l’an 2000 le pays réalisa la première élection 100% automatisée, soit 353 780 machines à voter».
Ce système a été largement accepté parce qu'il accélère, selon l’auteur, le temps nécessaire au dépouillement, dans ce pays de 110 millions d'habitants, grand comme 16 fois la France, où les analphabètes n’ont eu le droit de vote qu’en 1988, et où le vote est obligatoire.
Aux Etats-Unis toujours, et lors de l'élection présidentielle de 2004, de vives controverses ont éclaté à propos du vote électronique, «plusieurs cas ayant montré des aberrations statistiques liées à leur emploi, souvent en faveur du président sortant George W. Bush. Ces controverses ont été renforcées par les liens entre le Parti républicain de Bush et les fabricants de machines à voter, en particulier la société Diebold, dont l'ex-CEO (PDG) Walden O'Dell a participé aux levées de fonds de la campagne de George W. Bush».
2- L'intrusion des machines à voter dépossède les citoyens. Elle rend opaque ce qui était visible. Elle met fin à une «communion citoyenne». Elle prive le corps électoral de la surveillance collective des opérations dans lesquelles s'incarne le suffrage universel. Elle rompt le lien symbolique noué par la pratique «manuelle» du vote et du dépouillement. Les risques de manipulation du sens du suffrage apparaissent beaucoup plus importants avec le vote électronique qu’avec le vote papier.
En effet, «avec le dépôt d’un bulletin papier dans une urne, il n’existe pas d’intermédiaires entre la volonté de l’électeur et l’expression de son suffrage. Rien n’empêche matériellement que le bulletin de l’électeur soit substitué ou corrigé (bourrage d’urnes), mais l’urne représente une garantie de transparence car le processus est visible de tous».
En revanche, le vote électronique interpose un système informatique opaque entre l’électeur et son bulletin. Cette sensation de l’existence d’une «boîte noire» échappant à la vision de l’électeur peut engendrer «une défiance à l’égard d’un système de vote électronique chez certaines personnes qui peuvent douter du fait que leur choix de vote a réellement été pris en compte sans dénaturation en aval par le système de vote ou n’a pas été modifié par des candidats malintentionnés».
C’est pour souligner, estime l’auteur, «la nécessité du maintien du contrôle citoyen sur les élections et sur la création d’une chaîne de confiance permettant à tous de s’assurer que les machines à voter apportent des garanties suffisantes de fiabilité et que la sincérité du scrutin puisse être garantie aux électeurs». Car les moyens mis en oeuvre pour garantir la fiabilité des machines n’apportent aucune certitude au citoyen qui ne peut se forger son opinion par lui-même lors de l’élection sans se fier aux dires d’experts indépendants.
Et l’auteur de souligner malgré cela, que l’utilisation des machines à voter présente trois objectifs :
-«un objectif économique et matériel : réduire les coûts d'organisation des élections et accélérer le dépouillement des résultats le soir du scrutin,
-un objectif environnemental : supprimer les bulletins en papier,
-un objectif citoyen : permettre un accès plus aisé aux opérations de vote pour les personnes handicapées».
Toutefois, il estime que le vote normal, avec une enveloppe, des bulletins de vote, un isoloir et une urne transparente, est un système qui techniquement fonctionne de façon satisfaisante.
Et de conclure que les sciences et technologies de l’information peuvent contribuer positivement au développement de la démocratie. Elle tient cependant à alerter les Pouvoirs Publics sur l’impossibilité, «en l’état actuel de la technologie, de réaliser un vote anonyme contrôlable directement par les électeurs et en conformité avec les dispositions en vigueur».
Rubrique « Lu Pour Vous »
25 novembre 2010