De Rohan. J, Rapport, Sénat, Paris, février 2011, 40 p.
1- En introduction à ce rapport, l’auteur affirme d’emblée que les relations entre la France et l’Afrique ont été depuis trente ans marquées par la continuité : «du discours de La Baule au discours du Cap, la politique diplomatique et de défense de la France en Afrique évolue sans rupture majeure, mais en suivant l'évolution des grands bouleversements mondiaux et en s’y adaptant».
En effet, précise le rapport, deux inflexions majeures (chute du mur de Berlin en 1989 et montée en force des effets de la mondialisation) ont amené la France à opérer «de très importants changements de structure de la coopération française, qui tirent les conséquences de ces bouleversements et permettent d'accompagner les politiques».
La chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'Union soviétique et de l'ensemble des régimes communistes d'Europe orientale et centrale ont contribué ainsi à modifier fondamentalement le jeu diplomatique et «vont permettre d'impulser un changement capital en Afrique», d’autant que la perspective de démocratisation du continent appelle appui et accompagnement. Le souci du développement, rappelle le rapport, n’est pas des moindres, car la croissance économique de l’Afrique dépend de «l’aide publique au développement, mais aussi de l’accroissement du volume des investissements privés sur le continent».
Ainsi, toute la politique africaine de la France repose sur cet équilibre, «cette convergence des intérêts français, européens, africains et de chacun des pays du continent et qui sont essentiellement sécuritaires, économiques et de posture internationale», car affirme l’auteur:
°- la sécurité et la prospérité de la France et de l'Europe sont indissociables de la sécurité et de la prospérité de l'Afrique,
°- les accords de défense bilatéraux doivent reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains,
°- la France a intérêt à la sécurité de l'Afrique, parce que la paix et la stabilité sont les conditions indispensables du développement et parce que les guerres, les pandémies, les trafics ou le terrorisme en Afrique ont des conséquences directes en France.
C’est pour dire que «la France a intérêt au développement de l'Afrique. Le potentiel de croissance du continent, ses richesses naturelles, son marché prometteur en font une partie du monde que nous ne pouvons négliger…Le développement économique et la prospérité limitent les flux migratoires. L’immigration choisie et le co-développement sont deux outils à promouvoir. Enfin, la défense de la francophonie, patrimoine culturel commun, est un vecteur d’influence partagé».
Le fait de parler de politique africaine de la France plutôt que des politiques de la France en Afrique «établit un lien qui, tout en abordant la relation de manière résolument nouvelle, ne fait pas table rase d’un passé riche, même s’il est parfois douloureux. La relation entre la France et l’Afrique, qui s’inscrit dans le temps long de l’histoire, est un atout fondamental».
Par ailleurs, la présence militaire en Afrique prend diverses formes qu’il faut appréhender globalement pour donner une juste idée des capacités d’intervention et d’appui à la stabilité du continent. Il convient ainsi de distinguer : les forces prépositionnées, les forces de souveraineté, les forces engagées par un accord bilatéral et la participation de forces françaises à des opérations internationales, en particulier de l’Union européenne.
C’est un dispositif large, mais qui devra comprendre, à terme, «une présence sur la façade atlantique du continent africain, une sur sa façade orientale, un ou deux points d’appui dans le golfe Arabo-Persique et un dans l’océan Indien».
Autrement, les bases permanentes françaises en Afrique offrent : «des points d’appui du soutien français à l’architecture africaine de paix et de sécurité, des capacités prépositionnées à proximité des zones d’intérêt et des forces projetées en complément depuis la métropole, une capacité d’action qui procure des facilités logistiques (ex Djibouti pour Atalanta), qui donne souplesse et réactivité et qui contribue à l’autonomie stratégique de notre pays».
2- A côté de cela, le rapport note que l'Europe ne peut se désintéresser d'un continent qui comptera près de 2 milliards d'habitants en 2050. «Historiquement fondée sur les relations avec les pays ACP, les relations entre l'Union européenne et l'Afrique subsaharienne ont pris un réel tournant en 2000 au premier sommet UE-Afrique au Caire».
A partir de 2007, l'Union européenne est devenu «un gros contributeur financier en matière de paix et de sécurité», en adoptant avec l'Union africaine une stratégie conjointe autour de huit partenariats dont le premier concerne la paix et la sécurité. «Cette stratégie conjointe constitue un cadre très structurant pour la coopération».
Le concept RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix), créé en 1996-1997, constitue une «véritable percée conceptuelle et est un véritable succès à l'international… Il est emblématique de la nouvelle posture de la France en matière de paix et de sécurité en Afrique».
Cette évolution vers l’européanisation des actions de paix et de sécurité en Afrique a l’avantage de permettre une mutualisation des moyens, génératrice d’économies financières et «une certaine dépolitisation des interventions de l’ancienne puissance coloniale à laquelle on est toujours prompt à prêter des intentions cachées».
Malgré cela, note le rapport, «la France demeure le principal intervenant en Afrique, du fait de sa connaissance profonde des réalités africaines et de ses forces prépositionnées. Aucun autre pays européen n’est susceptible de prêter son concours au niveau nécessaire».
Rubrique « Lu Pour Vous »
17 mars 2011