Humbert. J. F, Rapport, Sénat, Paris, mars 2011, 36 p.
1- Vingt-cinq ans après son adhésion à l’Union européenne, l’Espagne, affirme d’emblée l’auteur, «se trouve confrontée à une crise économique et financière durable, qui vient sanctionner un modèle économique largement tourné sur le secteur immobilier».
En effet, l’Espagne est confrontée depuis près de trois ans, à une crise économique et financière inédite, qui contraste avec les années d’expansion qu’elle a pu connaître depuis le milieu des années quatre-vingt-dix.
Les difficultés que rencontre actuellement l’Espagne sur les marchés financiers notamment, tiennent de fait plus aux conséquences de l’investissement massif des agents économiques dans les secteurs de la construction et de l’immobilier. La crise espagnole se distingue à cet égard des cas grec et portugais, mais également des problèmes majeurs qu’affronte l’Irlande, «tant les défis auxquels est confronté le secteur bancaire irlandais sont d’une toute autre ampleur et menacent directement la solvabilité du pays».
Ce développement économique a néanmoins été contrarié au début des années quatre-vingt-dix, l’Espagne entrant en récession, le chômage déjà élevé auparavant touchant 23,9% de la population active en 1994. La relance de l’activité par le biais d’une augmentation de la consommation interne, facilitée par un accès au crédit plus simple avec l’intégration dans la zone euro, va permettre à l’Espagne de bénéficier d’un second souffle. Elle renoue ainsi avec la croissance pour devenir la cinquième économie européenne.
2- L’adoption de l’euro et la baisse des taux d’intérêts qu’induisait la monnaie unique, a permis un financement à crédit de l’économie espagnole. Cette tendance a été d’autant plus marquée que l’investissement public a, dans le même temps, diminué, la priorité des gouvernements allant au désendettement et à la réduction des dépenses publiques, en vue de respecter les critères de Maastricht.
Une inflation supérieure à la moyenne européenne a contribué, par ailleurs, à renforcer le recours des ménages et des entreprises au crédit. Le crédit au secteur privé a ainsi augmenté de 22% par an en Espagne de 2003 à 2008. Il s’élève ainsi à près de 1 700 milliards d’euros, 910 étant octroyés par les caisses d’épargne.
L’immobilier comme moteur de la croissance n’est, par ailleurs, pas une nouveauté tant les deux périodes précédentes de forte expansion économique du pays, 1969-1974 et 1986-1991, avaient déjà été marquées par un fort développement du secteur. La libéralisation de l’offre foncière via la loi du sol adoptée en 1998 va faciliter un nouveau boom immobilier.
La singularité de la période actuelle tient, selon l’auteur, à l’aspect spéculatif de ce boom du secteur de la brique. La faiblesse des taux d’intérêts a conduit à une augmentation exponentielle de l’investissement dans le secteur, sans rapport avec la demande effective de logement. L’Espagne a construit entre 2005 et 2007 plus de 800 000 logements par an, soit plus que l’Allemagne, la France et l’Italie réunies.
La dynamique économique qui a marqué l’Espagne entre 1996 et 2007, s’est donc traduite par une croissance du marché intérieur stimulée pour partie par l’immobilier et la consommation, mais aussi par la montée en puissance, à l’étranger, des entreprises espagnoles.
3- Au-delà de la crise économique et financière mondiale qui a contribué à affaiblir l’économie espagnole, «les difficultés que rencontre l’Espagne à l’heure actuelle sont principalement liées à l’éclatement de la bulle immobilière, effondrement facilité par la crise des subprimes. Elle ne peut, en aucun cas, apparaître comme la seule responsable, à l’image de ce qui a pu se passer en Irlande».
Mais la crise économique mondiale est venue révéler l’endettement de l’ensemble de l’économie espagnole, exacerbé par la bulle immobilière. L’éclatement de celle-ci en 2008 «débouche sur un chômage massif induit par l’arrêt de l’activité dans le secteur de la construction (un million de personnes se retrouvent ainsi au chômage) et un effondrement de la consommation domestique qui tirait, jusque là, la croissance».
A cette crise économique s’ajoute une crise financière, qui si elle n’atteint pas l’intensité irlandaise, révèle la profonde fragilité du modèle bancaire espagnol.
En effet, «les caisses d’épargne qui maillent les régions, se retrouvent dans une situation délicate, confrontées à l’échec de leur stratégie de diversification et d’extension, manifestement peu en adéquation avec leur potentiel initial».
Combinée à l’explosion du chômage et à l’entrée en récession du pays, la situation du secteur bancaire local a contribué à renforcer la méfiance des marchés financiers à l’égard de l’Espagne, qui «voit sa note régulièrement dégradée par les agences, au gré des publications des bilans».
4- Bien que tardive, la réponse du gouvernement espagnol à la crise économique et financière devrait, à court terme, rassurer définitivement les marchés financiers et écarter de la sorte la nécessité d’une aide de l’Union européenne et du Fonds monétaire international. La dette publique espagnole demeure en effet soutenable, «le gouvernement n’étant pas, malgré l’arrivée à échéance d’emprunts au cours de l’année 2011, confronté à des problèmes de solvabilité».
La capacité de l’Espagne à dépasser la crise financière qui fragilise pour partie son économie ne saurait, néanmoins, interdire «une vraie réflexion sur l’avenir du modèle espagnol, privé du moteur immobilier, et confronté à un double défi, social et territorial».
L’effondrement du secteur de la construction et de l’immobilier, qui a pu représenter jusqu’à 30% du produit intérieur brut, conduit à «s’interroger sur la reconversion de l’économie espagnole et les conséquences sociales de ce bouleversement.
Il pose également, en filigrane, la question de l’adéquation de son modèle territorial aux exigences économiques et financières du temps».
L’absence de financement privé se conjugue à la quasi impossibilité, pour l’État, de pouvoir, lui aussi, accompagner les secteurs innovants.
Les contraintes imposées par les programmes de rigueur mis en place, «conduisent à une raréfaction de l’injection d’argent public dans l’économie, à l’exception notable de la recapitalisation des caisses d’épargne».
Rubrique « Lu Pour Vous »
14 Avril 2011