Hérisson. P, Sénat, Rapport, Paris, février 2011, 51 p.
1- L’expression «neutralité du Net», qui était jusqu’à peu confinée dans les discussions entre spécialistes, fait aujourd’hui l’actualité et s’étend au grand public, estime l’auteur. De purement technique, elle est devenue économique et prend désormais une tournure éminemment politique.
Internet, et c’est ce qui a fait sa force et son succès, est un espace ouvert et libre, ce qui permet «une création et une innovation perpétuelles assurant son développement». Or, l’accroissement de la demande en bande passante pour les «usages innovants», tels que la vidéo à la demande, remet en cause ce principe fondateur de liberté.
Parallèlement à cette remise en cause de la neutralité du réseau, des interrogations sont apparues quant à la liberté de diffusion des contenus, ceci avec le développement de mesures de blocage ou de filtrage de certains flux pour des motifs tenant à la préservation d’intérêts publics et privés.
Neutralité des contenus et neutralité des réseaux, sont donc les deux grands thèmes qui meublent la problématique de la neutralité d’internet.
2- Quand on applique le principe de neutralité du Net aux contenus transitant sur les réseaux de communications électroniques, on «aurait tendance à vouloir appliquer la neutralité la plus grande s’agissant de la nature des contenus transitant sur internet, afin que les innovations culturelles et les créations numériques les plus originales soient diffusées rapidement sur la toile».
En même temps, des règles doivent aussi s’appliquer sur internet, de protection des droits d’auteur, mais aussi de protection de la jeunesse ou d’ordre public.
Un point d’équilibre entre la neutralité du Net et une certaine vision de la politique culturelle ou encore entre des mesures de protection de l’ordre public et l’exercice de droits fondamentaux, devra donc être déterminé.
La problématique des téléviseurs connectés sera à cet égard, au cœur de la question du lien entre neutralité du Net et contenus culturels. «L’internet sur la télévision pourrait alors ne plus être neutre. Les pouvoirs publics doivent donc, sur cette question comme sur d’autres, être vigilants et prévoyants».
Car, la neutralité, c'est un double principe, un premier qui est un principe d'ouverture, un second qui est un principe de liberté de choix et d'accès vis-à-vis de contenus, de services et d’applications.
Par ailleurs, la question de la neutralité des réseaux est en train de rebondir du fait de deux grandes questions fondamentales, l'explosion des usages et des besoins en bande passante, et l’explosion du trafic par utilisateur, qui double tous les deux ans, notamment sur le sans fil. La valeur se déplace ici d’amont en aval dans toute la chaîne, des réseaux vers les services.
3- Le sujet est donc large et déborde la problématique des réseaux (télévisons connectées, terminaux, moteurs de recherche). Car, «personne ne conteste que de plus en plus de contenus audiovisuels sont consultés sur internet. Aux États-Unis, 36,5 milliards de vidéos ont été vues sur internet en Juillet 2010, soit une croissance de plus de 70% par rapport à juillet 2009. C’est un des très grands usages d'internet».
Du point de vue du régulateur audiovisuel, du fait des téléviseurs connectés, les enjeux d’accès au contenu se déplacent ainsi au niveau de l’accès internet. Il pourrait en effet y avoir «une éventuelle question de contrôle, de filtrage. Ceci pose directement la question de la liberté laissée au consommateur de contenu audiovisuel».
Enfin, la neutralité doit aussi s’appliquer aux moteurs de recherche (dont la plupart sont américains). Car pour faciliter la visualisation de contenus d’origine diverse, «il faut être certain que ces moteurs de recherche soient relativement neutres afin de ne pas favoriser des contenus venus d’outre-atlantique».
Il faudrait donc, estime l’auteur, se situer entre deux enjeux : la circulation des contenus d’une part, et la garantie d’en permettre l’accès à tous d’autre part. Ceci est d’autant plus justifié, dans l’esprit de l’auteur, «qu'il s'est échangé plus d’informations entre 2003 et aujourd’hui, que depuis le début de l’humanité jusqu’à 2003. Cela donne une idée du phénomène dans lequel nous nous situons, de la masse d’informations et de la problématique à laquelle nous sommes confrontés».
Rubrique « Lu Pour Vous »
28 Avril 2011