Pierrotin. I. F, Rapport au Premier Ministre, Paris, juillet 2009, 64 p.
1- La présence des contenus racistes sur internet est réelle, estime l’auteur, mais elle est difficile à évaluer dans sa volumétrie exacte.
L’un des éléments marquants est assurément «la grande diversité du discours raciste qui affecte toutes formes, depuis l’expectoration primaire de la haine jusqu'au discours d’apparence scientifique mais porteur de la même haine».
Lorsque l’on entreprend, observe-t-elle toujours, de rechercher ces contenus sur internet en s’aidant des fonctionnalités des moteurs de recherche ou des études déjà publiées, on constate plusieurs choses : «ces contenus existent bien, il est difficile de les quantifier, l’expression de la haine qu’ils véhiculent vise toutes les communautés, cette expression est très variable dans sa forme mais présente néanmoins des spécificités liées à l’internet».
L’on estime même que «les pages associées à un contenu violent ont bondi de 125% sur internet entre 2006 et 2007, celles faisant l’apologie du racisme de 70%, celles relatives aux drogues de 62%. Les pages au contenu relatif à la pornographie infantile ont progressé de 18%».
Lorsque l’on surfe sur internet, il est frappant, remarque l’auteure, de constater que l’on peut accéder ou être confronté à une palette de propos racistes, allant de l’expression haineuse la plus frustre au discours négationniste le plus construit. On rencontrera également des chansons qui se veulent probablement parodiques ou humoristiques, mais qui propagent un message provocant à la haine, à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine, ou de leur appartenance, ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, comme des images ou des vidéos haineuses, injurieuses, diffamatoires, apologétiques des crimes contre l’humanité ou niant les génocides.
L’expression raciste n’est donc pas un ensemble uniforme facilement identifiable. La réalité du phénomène est bien plus complexe dans son expression. Elle recourt à des formes d’expression, à une sémantique qui lui sont propres et dont la compréhension est complexe.
Outre les propos dont le caractère manifestement illégal ne peut être contesté, «il existe des formes bien plus insidieuses de discours raciste, soit par la forme d’expression retenue par leurs auteurs, soit par le style ou par la démarche de l’auteur. Ces procédés, qui visent à déguiser le contenu et protéger l’auteur par rapport à une action judiciaire, conduisent à des difficultés réelles d’appréciation. La difficulté ne tient pas obligatoirement au caractère raciste du propos, mais bien plus souvent à la qualification pénale susceptible de lui être appliquée».
Dans le domaine du web 2.0, certains blogs peuvent être à visée raciste ou antisémite. Cependant, ce sont certainement les services interactifs de dialogue qui sont les plus utilisés pour propager des idées ou pour proférer des injures à caractère raciste. Les forums de discussion sont ainsi particulièrement visés comme les commentaires des articles de blogs ou de vidéos des utilisateurs. Plus que tout, «ce sont les services interactifs de la presse qui sont regardés comme offrant la meilleure des tribunes à cette expression de la haine».
Des chaînes de messages par courriels font également le tour de la planète pour propager des idées racistes ou antisémites. Ces chaînes de messages profitent de l’une des plus importantes caractéristiques de l’internet, sa viralité.
Cette viralité «permet de faire circuler très rapidement des messages, directement de particulier à particulier, sans apparaître publiquement sur le web. Cette dimension doit être comprise et utilisée en retour dans la lutte contre le racisme sur l’internet».
Il en va de même pour le jeu vidéo, depuis longtemps dénoncé comme pouvant être en lui-même porteur d’une idée raciste. Ces services de jeu disposent de fonctions interactives de communication s’apparentant au chat ou à la messagerie et sont donc aussi potentiellement concernés par le phénomène.
2- L’internet offre par ailleurs, et par rapport aux modes de diffusion traditionnels du moins, une forte spécificité en raison de l’utilisation des liens hypertextes. Le système de liens permet en effet de relier entre eux des contenus et des sites, facilitant la circulation des contenus mais aussi des personnes.
La dimension internationale de l’internet n’en constitue pas moins une spécificité forte. En effet, avec l’internet, «il est devenu possible de publier, à destination d’un public local, une information visible du monde entier qui se trouve stockée sur des serveurs localisés dans des pays étrangers et donc sous des législations tierces souvent moins protectrices que la nôtre».
Il faut noter, rappelle l’auteure, qu’il existe plusieurs formes de racisme et d’antisémitisme : un racisme structurel et un racisme conjoncturel qui s’alimentent d’ailleurs réciproquement. Le racisme structurel s’entend «d’une forme de racisme fortement ancrée dans nos sociétés et que nous qualifions volontiers de préjugés».
Cette forme de racisme conduit à admettre que certaines ethnies, religions, «races» ou groupes d’identité sexuelle déterminée présentent des caractéristiques qui leur sont communes. Ce racisme structurel est bien présent sur l’internet. Il s’exprime au travers de sites ouvertement racistes dont l’objet est de propager cette idéologie.
Cependant, «le racisme structurel s’alimente également à une source beaucoup plus large et plus diffuse, celle du grand public. L’on retrouve ce type de contenus dans des espaces de discussion très ouverts, rassemblant des populations hétérogènes sur des sujets variés au sein desquels chacun s’exprime sans contrainte ni sanction».
Rubrique « Lu Pour Vous »
7 juillet 2011