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«Sports, argent, médias »

Valade. J et al., Rapport, Sénat, Paris, mai 2004, 80 p.

1- L’équilibre du paysage sportif et du paysage audiovisuel, la survie même de certains médias ou leur capacité à tenir leur rang dépendent des droits sportifs, note le rapport en préface. A l’inverse, "l’importance des sommes drainées vers le sport est source de bien des dérives et de pratiques douteuses, dont on voudrait être certain qu’elles sont suffisamment combattues, car elles sont de nature à causer à l’image du sport des torts au moins aussi importants que le dopage, problème désormais bien identifié par les pouvoirs publics et les fédérations". 

Tout est affaire d’équilibre, affirme le rapport. D’un côté, "l’inflation des coûts des droits de retransmission, la concentration des feux de l’actualité sur quelques joueurs et quelques sports, de l’autre la nécessité de favoriser la pratique amateur, de faire vivre les disciplines moins spectaculaires, mais qui n’en portent pas moins les plus belles valeurs du sport, tels sont quelques-uns des termes du débat, qui imposent un équilibre, équilibre dynamique de manière à ce que les changements ne soient pas ressentis comme des dérives, mais comme des progrès".

L’extraordinaire intérêt du public pour les manifestations sportives, soit dans les stades, soit au travers des médias, "doit nous entraîner à une réflexion partagée". Comment satisfaire le public dans son intérêt passionné, et parfois passionnel ? Comment permettre et pérenniser cet échange ? Comment protéger le sport et son développement, en particulier chez les non professionnels ? Comment, enfin, permettre aux médias d’exercer la fonction d’information qui est la leur, et leur développement ? La voie est extrêmement étroite, observe le rapport. Par ailleurs, la médiatisation du sport n’intéresse pas uniquement le sport professionnel, ne serait ce que parce que le sport de masse tire aussi parti dans une certaine mesure des recettes provenant de la commercialisation des droits audiovisuels.

Le sport, en France par exemple, c’est tout d’abord trois chiffres : 26 millions de pratiquants, 14 millions de licenciés et environ 6 000 athlètes de haut niveau, dont une centaine focalise l’attention de tous les médias. Cette élite qui draine l’argent en fait-elle suffisamment profiter la masse des sportifs anonymes ?

2- La question de fond est immédiatement posée : le sport et les sportifs peuvent-ils évoluer en dehors du regard des médias, et ces derniers, aujourd’hui, peuvent-ils se passer du sport ?

La médiatisation ne touche qu’une partie du monde du sport, à savoir le sport professionnel, et encore les diverses disciplines sportives sont-elles très inégalement représentées sur les ondes et les écrans. Les médias sont aussi très inégalement dépendants de la retransmission de spectacles sportifs.

Il apparaît incontestable et significatif que le monde du sport et celui des médias n’ont cessé ces dernières années de se rapprocher, au point de se retrouver aujourd’hui dans une certaine forme de dépendance mutuelle. En particulier pour les médias audiovisuels, le sport est une source de spectacle de tout premier ordre. La glorieuse incertitude du sport, la fidélité aux clubs et la présence de stars constituent un cocktail irrésistible qui permet de battre des records d’audience et de séduire les annonceurs.

Il peut dans certains cas, devenir vital pour certaines chaînes, en particulier les chaînes payantes et les bouquets satellitaires, qui le considèrent comme un produit d’appel aussi important que le cinéma, d’autant qu’il n’est pas soumis à la concurrence du DVD. "La compétition entre chaînes rivales, la volonté de ne pas décevoir les abonnés, pour lesquels la retransmission de certaines compétitions est au cœur de l’abonnement souscrit, débouchent sur des surenchères qui poussent à la hausse, la commercialisation de ces droits audiovisuels risque peut-être de fragiliser l’équilibre financier de ces sociétés de télévision".

L’arbre du football, le sport roi, ne doit ainsi pas cacher la forêt du monde sportif.

 La situation du football est exceptionnelle. La médiatisation des autres disciplines sportives progresse, certes, mais les recettes qu’elles tirent de leurs droits audiovisuels sont sans commune mesure avec celles du football. Les clubs sont donc moins riches, mais de ce fait également moins dépendants.

3- Si l’on dit qu’il n’y a pas de sports sans médias, c’est parce que le média privilégié qu’est la télévision joue un rôle de promotion et de publicité en faveur du sport, attirant vers ce dernier un public très important. Par ailleurs, la télévision est un gisement financier pour le sport vers lequel elle attire des sommes considérables.

Mais la complémentarité joue aussi dans l’autre sens. La retransmission des manifestations sportives les plus importantes draine un important gisement d’audience, qui à son tour, attire les annonceurs publicitaires, donc des recettes vers les chaînes de télévision.

Médias et sports ont ainsi tout intérêt à continuer à vivre ensemble, même si la situation peut être qualifiée d’explosive.

Rubrique « Lu Pour Vous »

1er Septembre 2011

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