Humbert. J. F, Sutour. S, Rapport, Sénat, Paris, juin 2011, 52 p.
1- Un an après l’intervention de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, la Grèce se trouve toujours, observe ce rapport, confrontée à des problèmes de financement. «Son endettement et l’absence de résultats tangibles dans sa tentative de réduction de ses déficits devrait ainsi empêcher toute possibilité de revenir sur les marchés financiers l’année prochaine. Le plan d’aide international prévoyait pourtant un tel retour en 2012».
Mais la défiance des marchés à l’égard de la Grèce contraste, notent les auteurs, avec les efforts déjà accomplis par le gouvernement grec en matière de réformes structurelles. «Ses systèmes de santé et de retraites ont été notamment réformés en profondeur et son administration territoriale largement rationnalisée. A ces bouleversements s’ajoute une cure d’austérité inédite, visant toutes les catégories de population, rompant de façon nette avec la tradition interventionniste de l’Etat grec».
Néanmoins, «en dépit du coût social de ces mesures, elles demeurent, en l’espèce, insuffisantes pour juguler l’augmentation régulière des taux d’intérêts. La privatisation et la cession d’une large partie du patrimoine de l’Etat, une intensification de la lutte contre l’évasion fiscale, mal endémique du pays, ou une réforme en profondeur du marché du travail, sont encore attendues».
Or, s'il apparaît indispensable que la Grèce renoue avec la croissance, la récession économique et l’augmentation concomitante du chômage lui interdisent pourtant, à l’heure actuelle, une telle perspective.
L’annonce, le 16 octobre 2009, par le nouveau gouvernement grec du socialiste Georges Papandreou, d’un déficit budgétaire dépassant les 10% du PIB a «conduit l’agence Fitch à dégrader la note de la dette grecque en dessous du niveau A, soit un déclassement sans précédent en ce qui concerne un pays européen. La Commission place alors la Grèce sous surveillance budgétaire en février 2010, lui accordant un mois pour la mise en oeuvre d’un plan d’austérité».
Face aux difficultés que rencontre Athènes pour se refinancer à des taux raisonnables sur le marché, «l’eurogroupe et le Fonds monétaire international décident d’accorder une aide de 110 milliards d’euros sur trois ans à la Grèce en avril 2010». Cette aide est notamment destinée à permettre à la Grèce de régler pour partie des difficultés conjoncturelles afin qu’elle puisse revenir se refinancer sur les marchés courant 2012, et entreprendre, parallèlement à cela, des réformes structurelles destinées à réduire la dépense publique.
Le gouvernement grec a ainsi augmenté la TVA, faisant passer son taux de 21 à 23%, et majoré de 10% les taxes sur le carburant et l'alcool. Il a décidé, dans le même temps, de réduire les salaires publics (suppression des treizième et quatorzième mois). Les pensions ont été gelées.
Le gouvernement a, dans le même temps, «réformé les régimes de retraites, qu’ils soient publics ou privés et supprimé les régimes spéciaux. L’âge de départ en retraite est porté de 60 à 65 ans, la durée de cotisation majorée pour passer à 40 annuités, aucun départ en retraite anticipée n’est possible avant 60 ans. La loi instaure, par ailleurs, un plafond en ce qui concerne le montant global des recettes versées : actuellement établi à 12,5% du PIB, il ne pourra dépasser 14,5 % du PIB en 2050».
La réforme du secteur de la santé est, quant à elle, «plus longue à mettre en place. La loi-cadre adoptée en février dernier vise notamment à assainir les finances des caisses d’assurance maladie et garantir la pérennité du système. Le nombre de caisses d’assurance maladie a ainsi été réduit de façon substantielle, seules 4 subsistant désormais, avec l’objectif de les réunir progressivement au sein d’une seule caisse nationale».
La modernisation de l’économie souhaitée dans le même temps par le gouvernement passe par l’ouverture à la concurrence du transport routier de marchandises en septembre 2010. «Des mesures d’assainissement des entreprises publiques (DEKO) sont également instaurées même si elles restent longues à mettre en oeuvre. L’amélioration de la compétitivité est également abordée par l’intermédiaire de la création d’un fonds national de promotion de l’entreprenariat qui centralise divers financements dédiés à la création d’entreprise et à l’innovation».
2- Mais l’aide internationale, les réformes concomitantes et la création dans le même temps de la facilité européenne de stabilisation financière n’ont pas, néanmoins, rassuré les marchés. Le retard pris dans un certain nombre de réformes structurelles contribue à cette défiance.
La fonction publique «demeure ainsi pléthorique employant près de 25% de la population, son recrutement reflétant ainsi une forme de clientélisme surannée, compensant pendant des années le manque de perspectives d’emplois dans le pays».
En dépit de l’intervention européenne et faute d’une réduction tangible de ses déficits publics, les besoins de financements de la Grèce ne devraient, en effet, plus être couverts à partir du mois de mars 2012. D’ici à la fin 2013, ces besoins sont estimés à environ 60 milliards d’euros, dont 25 milliards au titre du premier trimestre 2012.
La méfiance des marchés à l’égard de la Grèce est paradoxalement renforcée par l’intervention de l’Union européenne. «La somme prêtée est, à juste titre, considérée comme une charge supplémentaire pour l’État qui voit sa dette augmenter en conséquence, alors qu’elle atteint déjà 153% du PIB, soit 345 milliards d’euros. Le plan d’austérité auquel l’aide internationale est conditionnée est, par ailleurs, assimilé à un frein à la reprise économique».
La sortie de crise s’avère en effet délicate pour l’économie grecque. Le PIB a ainsi diminué de 4,5% en 2010, soit deux fois plus que lors de l’exercice précédent. La baisse de la consommation privée (-4,5%) et celle, pour la troisième année consécutive, des investissements (-12,3%) justifient une telle contraction.
Le pays subit à la fois une augmentation du chômage (de 8,3% de la population active en 2007 à 16,2% fin mars 2011, 42% des moins de 24 ans se trouvant sans emploi), une inflation record (4,6% en 2010 contre 1,5% dans la zone euro), l’impact de la crise sur le secteur touristique et l’effet des mesures d’austérité.
Ces facteurs ne sont pas sans conséquences sur la reprise de la croissance alors même que les trois quarts de la création de valeur en Grèce dépendent de la demande intérieure. De fait, le retour à la croissance n’est pas attendu avant 2013, et encore de façon relative et sans baisse concomitante du chômage. Les prévisions pour l’actuel exercice et les deux prochains mettant même en avant une explosion de celui-ci.
Une restructuration de la dette grecque ne constitue pas, pour autant, selon la Commission, une solution viable. Une telle opération conduirait, en effet, à fermer l’accès de la Grèce aux marchés durant une longue période, aucun investisseur ne prenant le risque d’octroyer de nouveaux prêts.
La priorité pour Athènes, comme pour l’Union européenne, demeure le retour à l’excédent budgétaire, en vue de s’affranchir de l’effet boule de neige de la dette. Une restructuration, même douce, de la dette n’aurait que peu d’incidence sur cette perspective. Pour rembourser l’intégralité des seuls intérêts de la dette, la Grèce doit dégager un excédent budgétaire équivalent à 10% de son PIB, performance jamais atteinte par un pays membre de l’Union jusqu’alors. L'on estime que la Grèce devrait maintenir un excédent budgétaire élevé (entre 8,4% du PIB et 14,5% du PIB) à partir de 2015 pour ramener sa dette en deçà des 60% du PIB.
3- Si les avancées sont réelles en matière de gouvernance économique, le second acte de la crise grecque vient souligner la persistance de dysfonctionnements réels au sein de la zone euro, caractérisée, notamment, par une cacophonie à haut niveau sur les solutions à mettre en œuvre.
C'est pour dire, relève le rapport, que la situation économique et financière de la Grèce devrait néanmoins conduire l’Union européenne à fournir, aux côtés du Fonds monétaire international, une nouvelle aide à Athènes afin, notamment, «de lui permettre de continuer à mettre en place les réformes structurelles aptes à réduire son déficit budgétaire et faciliter, dans le même temps, une reprise économique».
Rubrique « Lu Pour Vous »
24 novembre 2011