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«L’émergence de la Chine : impact économique et implications de politique économique»

Artus. P et al., Rapport, La Documentation Française, juin 2011, 314 p.

1- «Il faut faire le pari de la Chine, car c’est là-bas que vont se décider le sort de la croissance et l’avenir de la mondialisation». Tel est l’un des messages forts de ce rapport.

Du côté des défis, il faut les envisager aux différents niveaux, note le rapport. D’abord, la Chine elle-même va devoir «poursuivre sa réforme agraire, lever certains obstacles à la mobilité intérieure, réduire le rôle dominant des entreprises d’État et développer l’État de droit. Elle pose aussi des défis aux autres zones, tout spécialement les pays les plus avancés, grâce à la rapidité de son rattrapage technologique et aux efforts consentis en faveur de l’éducation et de la recherche».

Aujourd’hui, la Chine est déjà sur la «frontière technologique» pour un certain nombre d’activités (lanceurs de satellites, matériel de télécoms, train à grande vitesse, puis bientôt aéronautique, nucléaire…), et le rythme de la mise à niveau a été, en règle générale, sous-estimé. L’innovation n’est pas que technologique, elle concerne aussi, de la part de la Chine, la montée en gamme vers des produits à plus forte valeur ajoutée.

Au confluent des défis et des opportunités se trouve la nouvelle stratégie de croissance de la Chine, affirmée depuis plusieurs années et dont on voit les premiers fruits, «visant à passer d’un modèle reposant sur l’essor des exportations à un modèle fondé sur la solidité de la demande intérieure (en particulier de la consommation des ménages). Une telle transition passe par l’augmentation des salaires et par le développement de la protection sociale».

Si les ménages chinois, observe le rapport, épargnent entre 40 et 50% de leur revenu disponible, cela tient en grande partie à l’absence d’un système de sécurité sociale digne de ce nom. Mettre en place un tel système prendra du temps, mais soutiendra dans la durée la consommation, avec des ménages rassurés par la création de filets de protection sociale (pour le risque de chômage, la maladie, la retraite…).

2- Personne n’aurait intérêt à ce que la croissance chinoise ralentisse trop vite et trop fort, ni la Chine ni ses partenaires, rappelle le rapport. Ce qui suggère que, dans «le cadre du G20 comme dans les relations bilatérales avec la Chine, il va falloir mettre le curseur au bon endroit entre la logique de concurrence et la logique de coopération, sans naïveté ni à l’inverse excès de méfiance».

Si la Chine a subi le contrecoup de la crise mondiale de 2008, elle a su faire face par un plan de relance de très grande ampleur. Elle a retrouvé dès le printemps 2010 un taux de croissance à deux chiffres. A plus long terme, «le rééquilibrage de la croissance chinoise constitue l’une des clés, peut être la plus importante, qui décidera de la sortie de crise. La Chine est devenue le premier fournisseur de l’Europe, l’Europe, le deuxième fournisseur de la Chine : c’est dire qu’il n’y a pas de partenariat commercial plus important».

Malgré cela, la Chine inquiète, indique le rapport. «Sa masse en fait l’une des économies dominantes de la planète, alors qu’une bonne partie de sa population est encore très pauvre. La rapidité de ses progrès oblige ses partenaires à s’adapter constamment : il faut à la fois réagir à une concurrence toujours plus large, y compris dans des productions à plus forte valeur ajoutée, il faut aussi en permanence saisir de nouvelles opportunités».

C'est la raison pour laquelle, continue le rapport, il faut aujourd’hui, faire le pari chinois. S’il y a une seule raison, aujourd’hui, de faire ce pari, c’est que c’est en grande partie là-bas que se décidera le sort d’une croissance durable à l’échelle de la planète. C’est là aussi que se décide l’avenir de la mondialisation.

Les ressorts de cette dernière sont connus, relève le rapport : «ils sont à la fois politiques, l’ouverture généralisée des frontières, et techniques, la baisse des coûts de transport maritimes et la facilité des moyens de communication en particulier». 

Suivant la formule à succès d’un chroniqueur du New York Times, Tom Friedmann, «le monde serait devenu  plat, comprenons par là que la circulation des informations et des marchandises est devenue tellement aisée qu’il est possible de décomposer à l’infini les activités de production en fonction des signaux de prix et de recomposer ainsi, sans cesse, les chaînes de valeur (matérielles et immatérielles). Fini le produit distingué par son lieu de production dans une sorte de géographie économique réputée immuable».

Il faut avoir en tête, proclame le rapport qu’il «est inutile d’espérer vendre des Airbus, des centrales nucléaires ou même du Cognac aux pays émergents si nous n’acceptons pas leurs T-shirts, leurs téléviseurs ou leurs voitures et si nous n’entrons pas dans une discussion serrée sur les transferts de technologie».

Désormais, tout le tissu industriel et celui des services également, deviennent, plus ou moins directement, concurrencés par les entreprises des pays émergents : la sidérurgie, la construction navale, l’électronique depuis longtemps puis l’automobile, les télécoms, le ferroviaire, l’aéronautique, le nucléaire…etc.

L’illustration peut-être la plus spectaculaire de ce nouvel état du monde, c’est le succès fulgurant des multinationales des pays émergents qui défraient régulièrement la chronique. Le dynamisme et le poids économique de la Chine ou de l’Inde ne se mesurent plus seulement en termes statistiques, ils sont visibles dans les succès de grandes entreprises qui ont pour nom Infosys, Lenovo, Huaweï ou Petrochina, pour ne citer que quelques exemples. Les rachats d’entreprises occidentales auxquels les sociétés des grands pays émergents ont déjà procédé se chiffrent en dizaines de milliards de dollars.

Mais c’est une entreprise immense qui exige une transformation des structures de consommation et de production, une modification des mécanismes du marché du travail et de la distribution du revenu, des changements dans les comportements des agents économiques et dans la structure sociale.

Rubrique « Lu Pour Vous »

8 décembre 2011

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