Aller au contenu principal

«Comment construire l’Union méditerranéenne ?»

Muselier. R, Assemblée Nationale, Paris, décembre 2007, 287 p.

1- En introduction à ce rapport, l'on lit: "toutes les initiatives politiques, économiques ou culturelles, lancées dans les années 1990, qu’il s’agisse du processus de Barcelone, du dialogue 5+5, de la politique de voisinage de l’Union européenne, de la Facilité européenne d’investissement et de partenariat, de l’organisation méditerranéenne de l’énergie etc... ne sont pas parvenues à remédier aux déséquilibres persistants qui affectent les pays de la rive sud".

 En effet, continue le rapport, "ces derniers se sont sentis délaissés par une Europe soucieuse avant tout, selon eux, d’intégrer institutionnellement et politiquement les anciens Etats du bloc de l’Est et n’ont pas toujours eu le sentiment d’être traités à parité dans le cadre du processus euro-méditerranéen dont le bilan reste modeste".

Parler aujourd’hui d’Union méditerranéenne, c’est affirmer, note le rapport, "la volonté politique de construire de façon multilatérale et égalitaire un avenir commun à tous ceux qui se sentent appartenir à ce monde, en dépit des conflits politiques qui le traversent, des différences de niveau de vie et de développement qui caractérisent ses deux rives, et de l’opposition entre un Nord structuré et intégré et un Sud multiple et déchiré".

 Et de s'interroger: Comment construire l’Union méditerranéenne ? Quel périmètre pour l’Union méditerranéenne ? Quelle architecture institutionnelle pour cet ensemble ? Quel lien instituer avec l’Union européenne ? Quels projets privilégier ?

2- Selon l’expression de Fernand Braudel, la Méditerranée est un très vieux carrefour. "Carrefour des continents, des religions et des civilisations où s’entrechoquent conflits durables et tensions récurrentes, mais aussi carrefour économique, commercial et culturel où se manifestent les problématiques du XXIème siècle".

 En dépit des fractures que provoquent les inégalités, la conscience d’un patrimoine à préserver, "ainsi que celle d’un avenir partagé à assurer peuvent inspirer une relation renouvelée entre les peuples méditerranéens auquel le projet d’union méditerranéenne souhaite contribuer".

Berceau des religions monothéistes, le bassin méditerranéen a donné naissance à trois civilisations principales "qui sont en fait les seuls destins de long souffle que l’on puisse suivre sans interruption à travers les péripéties et les accidents de l’histoire méditerranéenne".

L’espace euro-méditerranéen demeure la seule région du monde dans laquelle se superposent les deux lignes de fractures de notre temps : la césure Orient-Occident et la fracture Nord-Sud.

Les liens entre l’Europe et la Méditerranée se sont distendus tandis que les inégalités se creusaient entre le Nord et le Sud.

Face aux risques géopolitiques de la région, surgit périodiquement l’idée de construire, à l’instar de l’Europe, "un espace de paix en tissant des liens économiques irrévocables avec ses ennemis d’hier : cette idée ambitieuse peut trouver son prolongement en Méditerranée dès lors que les intérêts communs des deux rives sont évidents".

Les pays méditerranéens partagent d’abord une réalité géographique. Au confluent de trois continents, l’Europe, l’Afrique et l’Asie, le bassin méditerranéen bénéficie d’un facteur essentiel d’unité géographique : son climat qui se caractérise par la chaleur et la sécheresse de l’été, l’irrégularité des précipitations de l’automne et la douceur de l’hiver. Ce climat a favorisé les trois cultures fondamentales de la Méditerranée que sont la vigne, le blé et l’olivier.

La croissance démographique du Sud et le vieillissement de la population du Nord sont les termes de l’équation démographique de la Méditerranée pour les prochaines années.

Les Nations unies estiment qu’en 2050 les deux rives méditerranéennes abriteront chacune une population équivalente de 400 millions d’habitants. Cependant, la situation des pays du Sud est contrastée selon qu’ils ont ou non achevé leur transition démographique. Le rééquilibrage démographique à venir pose des questions nouvelles qui justifient une réponse politique capable de désamorcer les tensions qu’elles ne manqueront pas de faire naître.

La convergence économique entre les rives nord et sud est loin d’être réalisée en dépit des efforts du partenariat euro-méditerranéen. "Alors que les pays méditerranéens exportent 50% de leur production vers l’Union européenne et importent 45% de produits européens, le processus de Barcelone n’est pas encore parvenu à instaurer une zone de libre-échange capable d’assurer une prospérité partagée. Si la conclusion d’accords d’association a contribué à dynamiser le dialogue économique et commercial Nord-Sud, la faiblesse persistante des échanges entre les pays du Sud demeure préoccupante".

 La croissance économique, qui s’est établie en moyenne à moins de 4% par an sur la période 2001-2006, reste insuffisante pour parvenir à résorber les profonds déséquilibres structurels de la zone. D’après les experts internationaux, une croissance soutenue de 7% est nécessaire pour créer les conditions d’un véritable décollage économique, seul à même de résoudre le problème de l’arrivée sur le marché du travail de très nombreux jeunes.

La croissance inéluctable des besoins énergétiques des deux rives implique le développement d’infrastructures d’interconnexion en matière énergétique qui exigent de lourds investissements. La demande d’énergie commerciale pourrait croître de 65% entre 2000 et 2025. Confronté aux limites de ses capacités de production d’énergie fossiles, le bassin méditerranéen devrait également miser sur les énergies renouvelables.

3- Du point de vue géographique, plusieurs approches d'union sont, selon le rapport, possibles selon que l’on retient une définition extensive ou restrictive de l’Union méditerranéenne.

+ Une première approche, extensive, consisterait à calquer l’Union méditerranéenne sur le périmètre du processus de Barcelone, à savoir les 27 pays membres de l’Union européenne et douze pays de la rive sud.

 Cette hypothèse est à première vue séduisante, car elle présente l’avantage de n’exclure aucun Etat membre de l’Union européenne tout en réunissant l’ensemble des pays de la rive sud, y compris la Libye et la Mauritanie.

Or, privilégier cette option aurait "pour effet de limiter l’Union méditerranéenne à une coopération euro-méditerranéenne et à un dialogue politique Nord-Sud dont on perçoit mal la valeur ajoutée par rapport au processus de Barcelone. Mieux vaudrait dans cette hypothèse approfondir ce processus plutôt que créer une nouvelle enceinte".

En outre, choisir de calquer le périmètre géographique de l’Union méditerranéenne sur celui du processus de Barcelone provoquerait un déséquilibre numérique entre les rives nord et sud, allant à l’encontre de la revendication légitime des Etats du Sud d’être placés sur un pied d’égalité avec ceux du Nord.

Dans ces conditions, le format "euro-méditerranéen" semble inapproprié, car à la fois trop large et trop restreint. Trop large, car il s’étend bien au-delà des frontières de la Méditerranée, mais aussi trop restreint, car il exclut des Etats directement concernés par des sujets d’intérêt commun.

 + Une deuxième approche, plus restrictive, consisterait à lancer l’Union méditerranéenne à partir du "dialogue 5+5", l’enceinte créée en 1990 et relancée en 2001, qui regroupe dix pays riverains du bassin occidental de la Méditerranée.

Ce processus de coopération régionale en Méditerranée occidentale réunit les cinq pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie et Libye) et cinq Etats méditerranéens membres de l’Union européenne (Espagne, Portugal, France, Italie et Malte).

Le nombre relativement réduit d’Etats concernés permet une plus grande cohésion géographique et représente un cadre approprié qui se prête au développement de projets sectoriels.

 Cette option présenterait "l’avantage de ne pas avoir à créer une nouvelle structure ex nihilo, mais de partir d’une enceinte existante dont chacun semble reconnaître qu’elle fonctionne bien. Pour autant, restreindre l’appartenance à l’Union méditerranéenne à certains pays riverains, et pas à l’ensemble, est sujet à contestation".

Ce format présente également l’inconvénient d’exclure des pays membres de l’Union européenne tels que l’Allemagne et la Suède qui n’entendent pas être mis à l’écart de l’Union méditerranéenne.

+ Une troisième approche consisterait à faire de la notion de pays riverain l’unique critère d’appartenance à l’Union méditerranéenne. On recense 22 pays riverains de la Méditerranée : au Nord, l’Espagne, la France, Monaco, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Grèce, la Turquie, Malte et Chypre ; au Sud, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Égypte, Israël, l’Autorité Palestinienne, le Liban et la Syrie.

Le rapport pense que l’Union méditerranéenne "n’est ni une étape vers l’adhésion à l’Union européenne, ni une alternative à l’Union européenne, et fixer des critères d’adhésion autres que géographiques, aurait pour effet d’assimiler les Etats de la rive sud à des pays candidats à l’Union européenne".

Et le rapport de noter ainsi que l’Union méditerranéenne doit reposer en priorité sur les pays riverains de la Méditerranée, sur la base d’une adhésion volontaire. Pour cela, l’Union méditerranéenne devra s’appuyer sur une structure souple et légère.

4- La construction de l’Union méditerranéenne ne prendra véritablement forme "qu’en se fondant sur des projets concrets, répondant aux besoins et aux attentes des populations des deux rives de la Méditerranée". Pour les mener, quatre principes guideront l’action de l’Union méditerranéenne :

 – une logique de projets visant à obtenir des résultats concrets,

– un mécanisme de codécision qui attribue une place égale à chaque participant,

– l’implication de chacun dans les projets sur la base du volontariat,

– l’ouverture du processus à la société civile.

Dans cette perspective, cinq principes d’intervention sont clairement affirmés par le rapport :

+ Une logique de résultats fondée sur la réalisation de projets concrets,

+ Une démarche volontaire à géométrie variable selon les projets. L’Union méditerranéenne doit s’appuyer sur une participation volontaire des Etats aux projets qu’elle proposera, en fonction de leurs besoins et de leurs priorités,

+ Une union fondée sur la co-décision: l’union repose, en effet, sur le principe d’égale participation de ses membres aux initiatives et aux projets qu’elle promeut.

+ Un processus ouvert à la société civile. L’Union méditerranéenne ne remplira ses objectifs que si elle parvient à susciter l’adhésion des populations concernées au projet commun qu’elle porte.

+ Une visibilité auprès des populations concernées.

Rubrique « Lu Pour Vous »

3 janvier 2013

Vous pouvez partager ce contenu