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«La transparence de la gouvernance des grandes entreprises»

Clément. J. M, Houillon. P, Rapport, Assemblée Nationale, Paris, février 2013, 118 p.

En introduction à ce rapport, l'on lit: "les difficultés économiques et financières que presque tous les pays du globe traversent aujourd’hui, ont mis en exergue l’impérieuse nécessité de lutter contre l’opacité des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants d’entreprises, autrement dit qui gouvernent leur conduite et qui constituent ce que l’on appelle donc la gouvernance" .

Ce rapport s'interroge ainsi sur la clarté, la précision et l’exhaustivité des informations ayant trait "non seulement aux rémunérations des dirigeants-mandataires sociaux, mais aussi à la composition et au mode de fonctionnement des organes dirigeants, ainsi qu’à la définition et à la lisibilité de la stratégie des entreprises à moyen et long termes".

Des scandales retentissants, provoqués par des rémunérations excessives, ont émaillé les deux dernières décennies. La "légitime indignation" face à ces comportements aussi abusifs que marginaux, ne doit pas conduire à aborder les questions relatives à la gouvernance des grandes entreprises sous un angle exclusivement moral.

Il y a en effet un intérêt non seulement d’équité et de justice sociale, mais aussi et surtout d’efficacité économique à corriger des rémunérations dont le caractère excessif est souvent le symptôme le plus manifeste de défaillances affectant en profondeur les processus décisionnels des grandes entreprises.

C’est donc dans une optique alliant préoccupations éthiques et souci de la performance économique sur les moyen et long termes que le rapport a mené ses réflexions.

En effet, l’actuelle crise économique et financière et les récents scandales provoqués par des rémunérations excessives voire irréalistes, ont montré que le législateur ne pouvait pas donner un blanc-seing à l’auto-régulation.

Alors que les sociétés cotées au Royaume-Uni ont l’obligation de se référer à un code de gouvernance, les sociétés cotées en France n’ont qu’une faculté de s’y référer, situation qu’il convient de faire évoluer au regard du large consensus qui s’est dégagé sur cette question.

Au Royaume-Uni, les sociétés commerciales qui offrent leurs titres financiers au public (les "public companies") et qui sont cotées à la bourse de Londres, ont l’obligation de se référer à un code de gouvernance et, le cas échéant, d’expliquer pourquoi elles n’en appliquent pas certaines recommandations, en vertu de règles de cotation.

Ces règles de cotation prévoient que les sociétés immatriculées au Royaume-Uni ou à l’étranger qui font l’objet d’une cotation dite "premium", c’est-à-dire les sociétés commerciales et les fonds d’investissement de type ouvert ou fermé, doivent indiquer dans leur rapport annuel comment elles ont appliqué les grands principes contenus dans le code de gouvernance de la place londonienne. Et si elles y ont dérogé pendant tout ou partie de leur exercice comptable, "elles doivent indiquer les recommandations précises qui n’ont pas été appliquées, la période pendant laquelle les recommandations n’ont pas été respectées, ainsi que les raisons pour lesquelles ces recommandations ont été écartées".

Ce code de gouvernance de place est élaboré et régulièrement actualisé par une autorité de reporting financier (Financial Reporting Council ou FRC).

L’exemple britannique devrait inspirer l’instauration d’une obligation légale, pour les grandes entreprises, qu’elles soient cotées ou non, de se référer à un code de gouvernance, idée qui semble faire l’objet d’un large consensus parmi les experts.

En effet, au regard d’une telle convergence de vues, le rapport estime opportun d’introduire dans le code de commerce une obligation de se référer à un code de gouvernance.

Autrement, les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ainsi que les sociétés dont le total de bilan ou le chiffre d’affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’État se réfèrent à un code de gouvernement d’entreprise.

Néanmoins, le rapport estime que c’est au législateur "qu’il revient de guider les organismes chargés de la rédaction des codes de gouvernance en énonçant, de façon non exhaustive, les questions qui devraient faire l’objet de recommandations, à savoir :

– l’organisation de la gouvernance des entreprises : cumul et durée des mandats sociaux, critères d’indépendance des administrateurs, rythme et évaluation des travaux des conseils d’administration ou de surveillance, déontologie des administrateurs, dissociation ou non des fonctions de président et de directeur général dans les sociétés à gouvernance moniste, désignation (le cas échéant) d’un administrateur référent, création et composition des comités des risques et des rémunérations,

– les relations des organes dirigeants des entreprises non seulement avec les actionnaires, mais aussi avec les parties prenantes que sont les collectivités publiques, les fournisseurs et les sous-traitants,

– la façon dont les organes dirigeants des entreprises prennent en compte les exigences de mixité, de lutte contre les discriminations, de promotion des diversités et de promotion du développement durable, etc,

– les modalités de détermination et les conditions de versement de l’ensemble des éléments de la rémunération globale des dirigeants-mandataires sociaux, qu’il s’agisse des composantes de la rémunération totale (rémunération fixe, rémunération variable, notamment sous forme de bonus annuels ou pluriannuels, rémunérations exceptionnelles, notamment en espèces ou sous forme d’indemnités de bienvenue, de départ ou de non-concurrence, jetons de présence, avantages de toute nature), des rémunérations différées sous forme de titres de capital, ou encore des rémunérations sous forme de régimes de retraite,

Dès lors que la référence à un code de gouvernance deviendrait une obligation pour les grandes entreprises, il conviendrait d’assortir les éventuels manquements à des obligations de sanctions dissuasives et efficaces.

Rubrique « Lu Pour Vous »

28 mars 2013

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