Collin. Y et Alii, Rapport, Sénat, Paris, avril 2012, 607 p.
Le «défi alimentaire» occupe de plus en plus le monde, note ce rapport en préambule. «Les sommets internationaux, les ouvrages, l’émotion de l’opinion publique face aux famines, aux crises chroniques, la persistance endémique de la faim dans le Monde… tout témoigne que ce défi existe dès aujourd’hui».
Mais, avec le défi alimentaire, de quoi parle-t-on au juste ?
Très souvent, rappelle le rapport, la question posée est celle des capacités du Monde à produire les ressources nutritives nécessaires pour alimenter correctement 9 milliards d’individus, nombre des terriens prévu généralement pour 2050.
Elle renvoie à une estimation du potentiel agricole. Il faudra produire entre 2010 et 2060, 733 exacal de nourriture (1 exacal=1 018 calories), soit plus qu’entre l’an 1500 et 2010 (630 exacal). Le pourra-t-on?, note le rapport.
Sur ce point, «les prospectives du défi alimentaire donnent des images des tensions physiques qui s’exerceront sur le système alimentaire. Elles montrent, qu’à technologies inchangées, ces tensions se renforceront. Face à des besoins alimentaires croissants, l’offre sera fortement sollicitée, alors que ses conditions actuelles de soutenabilité sont remises en cause et que, dans le futur, de nouvelles contraintes devraient apparaître (conflits d’usage, nouvelles conditions environnementales…)».
Cette contrainte d’objectif, les prospectives la décrivent comme plus ou moins critique. Elles convergent vers l’idée que le chemin pour obtenir l’autosuffisance alimentaire du Monde se rétrécira.
Elles suggèrent aussi «qu’il n’existe pas un seul chemin mais plusieurs, avec chacun ses avantages et ses risques, chacun ses limites de soutenabilité».
Cette pluralité des options techniques pose un problème, difficile, de choix. Mais là ne réside sans doute pas la plus lourde des difficultés qu’il faut surmonter pour relever le défi alimentaire.
C’est quand on élargit le raisonnement, comme il faut le faire, aux questions économiques, sociales, juridiques, politiques qu’apparaît vraiment l’ampleur du problème.
Ces dernières dimensions doivent impérativement être croisées avec les données physiques, que privilégient souvent trop exclusivement les prospectives, ce qui accentue la complexité du problème, mais oriente aussi utilement la réflexion par l’épreuve de la cohérence qu’elles imposent.
Or, il faut considérer, souligne le rapport, que demain plus encore qu’aujourd’hui, «la mise en pratique du droit à l’alimentation pourrait être entravée par les transformations des conditions socio-économiques des agriculteurs du Monde. Manquent fondamentalement à ceux qui ont fin, les ressources financières pour se nourrir. Plus encore, comme cette pauvreté est surtout paysanne, on peut dire que, si l’agriculture ne nourrit pas le monde, c’est parce que trop souvent elle ne nourrit pas son monde».
Tout l’enjeu est d’en sortir alors que le futur pourrait aggraver les forces qui font que ce défi est, avant tout, une affaire de pauvreté et de pauvreté assez largement rurale.
Ce qui est devant nous c’est un défi agricole, observe le rapport, «mais c’est plus qu’un défi agricole, c’est sûrement un défi alimentaire, et un défi de l’accès à la nourriture pour les pauvres de ce monde et ainsi, fondamentalement, c’est le défi du développement».
Mesurer comment l’agriculture pourra contribuer à ce que ce défi soit relevé «c’est sans doute s’interroger sur son potentiel agro-alimentaire, d’un point de vue technique, mais c’est beaucoup plus que cela. C’est examiner à quelles conditions ce potentiel sera exploité et comment faire en sorte que le développement de la production agricole s’accompagne d’un développement pour chacun de ses capacités d’accès à la nourriture, de ses revenus».
Par ailleurs, la réflexion sur l’agriculture a souffert de la diffusion d’un «cadre d’analyse ultra-simplificateur, celui de l’efficience des marchés. Or, la main de la semeuse n’est pas une main invisible. Les marchés peuvent ne pas apporter ce qu’on attend d’eux. Et les mêmes pays qui, dans les institutions de Bretton Woods l’oubliaient, savaient très bien s’en souvenir, qui à Genève à l’OMC, qui à Bruxelles ou à Washington, à quelques blocs de distance du FMI et de la Banque mondiale».
Il faut pour cela, note le rapport, «coupler la réflexion stratégique et l’action avec pour horizon d’inventer un système agricole mondial qui permette d’avancer, le plus rapidement possible, vers la résolution du défi alimentaire, vers la fin de la faim».
Rubrique « Lu Pour Vous »
25 avril 2013