Chevènement. J. P et Alii, Rapport, Sénat, Paris, avril 2013, 135 p.
1- En introduction à ce rapport, les auteurs constatent que certains commentateurs ont tenté de présenter l’intervention française au Mali comme une résurgence de la «Françafrique» où l’ancien colonisateur se poserait en gendarme dans son ancienne colonie, au mépris de sa souveraineté et au nom d’un prétendu agenda caché.
Cette affirmation ne résiste pas à l’analyse, affirme le rapport, «tant il est manifeste que les intérêts européens et français en jeu se sont combinés avec l’appel au secours d’un pays central en Afrique de l’Ouest, dans le cadre de la légalité internationale, pour justifier pleinement l’intervention française».
Il ne s’agit pas d’une ingérence qui aurait violé la souveraineté d’un pays indépendant, note le rapport. Au contraire, «il s’agit d’une assistance apportée à un pays ami en grand danger, dont l’intégrité territoriale avait été violée par des groupes terroristes entendant imposer leur loi, et quelle loi !, et dont non seulement la souveraineté mais la survie même eussent été compromises, si les éléments islamistes armés avaient pu continuer leur raid vers le Sud».
Il va de soi que la «négociation» politique, naturellement toujours préférable à la violence, n’était plus une option, à partir du moment où les colonnes d’AQMI, du MUJAO et d’Ansar Dine marchaient sur Bamako, observe le rapport.
Sans l’intervention de l’armée française, «c’est tout un pays qui aurait été livré aux preneurs d’otages. Les conséquences de l’établissement d’un sanctuaire terroriste aux portes de l’Europe auraient été désastreuses non seulement pour les Occidentaux et les Européens, comme viennent tristement le rappeler les récentes prises d’otages, mais aussi pour toute la sous-région sahélienne et l’Afrique occidentale, qui aurait été profondément déstabilisée».
Et le rapport de rappeler que la France et l’Europe ne peuvent «se désintéresser de l’Afrique qui est depuis des décennies leur profondeur stratégique, qui sera demain plus peuplée que l’Inde et la Chine (en 2050 l’Afrique aura 1,8 milliard d’habitants, contre 250 millions en 1950), qui recèle la plupart des ressources naturelles, désormais raréfiées, et qui connaît un décollage économique certes inégal mais sans précédent, qui n’est plus seulement porté par l’envolée du cours des matières premières mais aussi par l’émergence d’une véritable classe moyenne».
2- Or, note le rapport, pour transformer un succès militaire en succès politique, «une approche globale s’impose pour la reconstruction du pays. Il n’y a pas de sécurité sans développement, ni de développement sans sécurité».
Il ne suffit pas de gagner la guerre, il faut aussi gagner la paix, insiste-t-il. Mais les coûts financiers des opérations de stabilisation, de maintien de la paix ou de reconstruction post-conflits sont extrêmement élevés, pour des résultats qui restent fragiles.
Ainsi, «le budget des 15 opérations de maintien de la paix de l’ONU, qui mobilisent près de 100 000 personnels en uniforme, est de 7,3 milliards de dollars, dont la France assume (autour de 7,5%), en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, plus que sa quote-part dans le financement de l’Organisation, soit 400 millions d’euros en 2013, ce qui représente près du tiers du budget du Quai d’Orsay (programme 105). Serval aura coûté 200 millions d’euros en 4 mois».
C’est la raison pour laquelle ce rapport plaide «pour un choix d’allocations de ressources intellectuelles, humaines et financières qui favorise plus la prévention et non pas la gestion militaire des crises ou la reconstruction, processus complexe et coûteux».
C’est ce déficit «d’approche globale» qui est bien souvent la pierre d’achoppement de notre action, note le rapport.
Et de continuer : «mettre en œuvre une approche globale implique en amont qu’on puisse mieux prévenir les crises, par des actions de coopération structurelle militaire et de coopération civile, qu’on puisse mieux en détecter les signaux avant-coureurs et qu’on sache aussi, dès les débuts de l’intervention militaire quand celle-ci s’avère inévitable, déployer, en coordination avec l’action militaire, des capacités civiles pour créer les conditions d’une stabilisation durable».
Rubrique « Lu Pour Vous »
8 mai 2013