Joissains . S, Rapport, Sénat, Paris, décembre 2012, 52 p.
Construire une Europe judiciaire apparaît chaque jour davantage comme une exigence, note d’emblée le rapport. En effet, «depuis des années déjà, l’Europe cherche à se rapprocher des citoyens en leur démontrant la plus-value qu’elle peut apporter».
La protection des personnes et des biens requiert, continue l’auteure, «que notre organisation judiciaire soit en phase avec un monde où les échanges se multiplient sans considération des frontières, y compris malheureusement quand ces échanges sont le fait de réseaux criminels bien organisés».
La coopération judiciaire en matière pénale existe depuis longtemps en Europe, note le rapport. «Elle se développe dans le cadre de relations bilatérales entre magistrats ou dans un cadre multilatéral, notamment au titre de conventions internationales et au sein de l’unité Eurojust. Elle donne souvent des résultats efficaces. La lutte contre le terrorisme en fournit une illustration concrète».
Les traités européens ont d’ailleurs pris en compte cette exigence de coopération : le traité de Maastricht (1992) a institué la coopération dans le domaine de la «justice et des affaires intérieures», le traité d’Amsterdam (1997) a fixé l’objectif de la réalisation d’un espace européen de liberté, de justice et de sécurité. Le droit dérivé européen a lui-même mis en place des instruments très pertinents pour développer cette coopération : le mandat d’arrêt européen en est l’expression la plus symbolique, observe le rapport.
S’appuyant sur les travaux de la Convention européenne, présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing, qui avaient trouvé une traduction dans le projet de Constitution pour l’Europe, «le traité de Lisbonne a donné une nouvelle impulsion à la construction de l’espace judiciaire européen. Il a ouvert la voie à une certaine harmonisation du droit pénal et de la procédure pénale. Il a créé les conditions pour un renforcement d’Eurojust».
Le traité de Lisbonne permet, par ailleurs, la création d’un Parquet européen. Dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne, «l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit que pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, le Conseil, statuant à l’unanimité, peut instituer un Parquet européen à partir d'Eurojust. A défaut d’unanimité, un groupe d’au moins neuf Etats membres peut concrétiser ce projet dans le cadre d’une coopération renforcée. Le Conseil européen peut, simultanément ou ultérieurement, décider d'étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière».
Cependant, la création d’un Parquet européen suppose d’identifier clairement toutes ses implications sur la coopération judiciaire européenne mais aussi sur notre propre organisation judiciaire.
En même temps, la notion de Parquet est équivoque sur le plan juridique. Force est de constater qu’il existe deux grands modèles de parquet : «un modèle continental dans lequel le parquet a pour mission, dans le cadre d’une procédure inquisitoire, d’exercer l’action publique devant les juridictions répressives mais aussi, en amont, de diriger l’action des services de police judiciaire et un modèle anglo-saxon, fonctionnant selon une logique accusatoire, dans lequel le ministère public ne dirige pas l’action des services d’enquête et se limite à la mise en oeuvre des poursuites devant les juridictions».
Sur le plan politique, en dépit du renforcement de la coopération, «le droit pénal et la procédure pénale sont encore très largement perçus dans les Etats membres, comme relevant de la souveraineté nationale».
Pour autant, bien que réelles, ces difficultés ne sont pas insurmontables, note le rapport. Elles doivent l’être au regard des enjeux majeurs qui sont en cause : protéger les intérêts financiers de l’Union européenne et lutter contre la grande criminalité transfrontière.
Autrement, et comme chaque avancée de la construction européenne, «la création d’un Parquet européen sera réalisée dès lors que seront conjugués une réelle ambition de tout ou partie des Etats membres de relever ensemble ces défis et un souci de pragmatisme dans la démarche».
Rubrique « Lu Pour Vous »
12 Septembre 2013