IRES, Rabat, mars 2022, 19 p.
Le Maroc est passé au cours des deux dernières décennies, d’une situation de « stress hydrique » à une situation de « rareté hydrique », note d’emblée ce rapport. Selon les estimations actuelles, «l’approvisionnement moyen par habitant et par an en eau douce n’excède pas, actuellement, 650 m3 par habitant et par an, contre 1000 m3 au début des années 2000. En 1960, ce chiffre atteignait 2500 m3 par habitant et par an. Cette situation est aggravée par la baisse de la qualité des eaux en raison de la pollution générée par le système productif ».
Et le rapport de continuer : «la tendance à la baisse de la ressource hydrique devient extrêmement préoccupante, avec un risque d’aggravation en raison des effets du changement climatique et de la persistance des facteurs liés à la nature du tissu productif, ainsi que de la gestion du capital hydrique, qui est en deçà des défis et des enjeux futurs ».
Le rapport indique en effet, qu’ « en raison de sa situation géographique en zone semi-aride, le Maroc subit fortement les effets négatifs du changement climatique. Ces derniers se traduisent, sur le plan hydrologique, par des périodes de sécheresse intenses et de plus en plus fréquentes, ainsi que par la baisse et l’irrégularité des précipitations. Ces phénomènes ralentissent le renouvellement de l’eau disponible et aggravent la vulnérabilité hydrique du pays ».
Le potentiel des ressources en eau naturelles, déjà faible, est estimé en 2020, à 22 milliards de m3 par an dont 18 milliards de m3 de réserves en eaux superficielles et environ 4 milliards de m3 en eaux souterraines. Plus de 50 % d’entre elles sont concentrées dans les régions du Nord et du Centre.
Le taux de remplissage global des barrages, à fin février 2022, n’excède pas 34% contre 51% enregistré à la même période de 2021. La pénurie des eaux de surfaces conduit, à son tour, «à la surexploitation des nappes phréatiques impactant négativement le volume et la qualité des ressources en eaux souterraines ».
Les eaux souterraines (4 milliards de m3) représentent, malgré leur faible volume, une source essentielle d'approvisionnement en eau potable des populations. « Elles fournissent de l’eau douce à plus de 90% de la population rurale, irriguent près de 40% de la superficie totale des zones agricoles du pays et contribuent à plus de 50% à la valeur économique de l'ensemble des superficies agricoles irriguées ».
En même temps, sur les 16,28 milliards de m3 d’eau consommée, 89,26% sont destinés à l’irrigation et 10,74% à l’approvisionnement en eau domestique, touristique et industrielle. L’accroissement démographique, l’évolution des modes de vie ainsi que l’élévation du niveau de vie moyen des populations ne sont pas sans creuser encore davantage les pénuries.
Il est vrai, rappelle le rapport, que le Maroc dispose d’acquis importants en matière de gestion hydrique, « grâce à la fois à la politique des barrages, poursuivie depuis des décennies, aux infrastructures hydro-agricoles mises en place depuis l’indépendance et aux politiques publiques volontaristes de généralisation de l’accès à l’eau potable ».
Ces acquis ont permis de mobiliser des ressources en eau qui assurent des taux d’approvisionnement en eau potable de 100% de la population urbaine et de 97,8% de la population rurale, ainsi que l’irrigation de 2 millions d’hectares. Mais, ce modèle de gestion de l’eau a atteint ses limites, « en privilégiant une politique de l’offre qui consiste à puiser dans des ressources de plus en plus limitées pour satisfaire la demande ».
La gouvernance de l’eau au Maroc repose sur un cadre institutionnel et législatif relativement élaboré (le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat créé dès 1981, le Conseil National de l’Environnement créé en 2015 et les conseils régionaux de l’environnement), mais les résultats obtenus sont modestes.
Le rapport suggère aussi la nécessité de repenser, à la lumière d’un bilan hydrique approfondi, le modèle productif en vigueur, et en particulier les stratégies sectorielles mises en œuvre (plan Maroc-Vert, stratégie Génération Green, plan d’accélération industrielle, tourisme…). Car « plusieurs segments du système productif seraient contre-productifs du fait de leurs impacts négatifs sur la ressource hydrique et sur l’environnement de manière générale, comparés à leur contribution au PIB ».