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«Travailleurs de plateformes»

Gruny. P, Harribey. L, Rapport n° 27, Sénat, Paris, 5 octobre 2022, 97 p.

Ce rapport commence par renvoyer à la définition donnée par le Conseil national du numérique, selon laquelle une plateforme est «un service occupant une fonction d'intermédiaire dans l'accès aux informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers», et qui «organise et hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux».

Mais les définitions des plateformes varient assez souvent selon leurs types. C’est la raison pour laquelle, l’on distingue généralement entre les catégories de plateformes suivantes :

 °- les plateformes digitales dont l’activité se concentre sur le référencement de résultats, comme les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux,

 °- les plateformes collaboratives qui privilégient les échanges et relations de pair-à-pair,

°- les plateformes d’emploi permettant l’échange d’un bien ou d’un service produit par des «travailleurs collaboratifs».

Parmi les plateformes d’emploi, sont distingués six types de plateforme :

°- les opérateurs de services organisés, au travers desquels des prestations obéissant aux mêmes règles, sont produites par des professionnels (Uber, Deliveroo),

 °- les plateformes de micro-travail, qui mettent en relation à l'échelle internationale, une offre et une demande de micro-tâches dématérialisées (Amazon, Mechanical Turk),

°- les plateformes dites de «jobbing», qui permettent aux particuliers de bénéficier de services à domicile,

 °- les plateformes de «freelances», qui apparient une offre et une demande de prestations de services à haute valeur ajoutée,

°- les coopératives électroniques, qui utilisent les modes de production, de distribution et de consommation empruntés à l'économie sociale et solidaire,

°- les plateformes de partage, qui permettent aux utilisateurs de mutualiser l'usage d'un bien (Blablacar).

Mais ces plateformes, note le rapport, ne sont pas soumises aux mêmes problématiques et ne soulèvent pas les mêmes types d’interrogations, s’agissant de la relation au travail.

 Ainsi, les plateformes de services organisés (livraison de repas et voitures de transport avec chauffeur, VTC), qui déterminent à la fois les caractéristiques de la prestation fournie et son prix, semblent «les plus exposées à la problématique de requalification en contrat de travail salarié, d’autant qu’elles utilisent des algorithmes pouvant constituer des outils de contrôle du travailleur».

Dans le même temps, au sein de ces plateformes, la nature de l’activité induit des problématiques différentes, par exemple «s’agissant de la question de la précarité qui se pose avec plus d’acuité dans le cas des livreurs à vélo, une activité à faible valeur ajoutée et concernée par de forts risques professionnels».

A la diversité des plateformes s’ajoute aussi celle des profils des travailleurs des plateformes, au sein desquelles «se côtoient des travailleurs aux revenus extrêmement faibles, souvent dépendants des plateformes qui leur permettent de trouver une activité, des étudiants qui recherchent uniquement des revenus d'appoint, ou encore des indépendants en freelance qui y trouvent des revenus élevés allant jusqu'à 150 000 euros annuels dans le domaine du numérique».

Il est ainsi, souligne le rapport, difficile d’établir un «profil-type» des travailleurs des plateformes, puisqu’il varie en fonction du modèle et de l’activité de la plateforme.

Au niveau de l’Europe, il semblerait qu’environ 55% des personnes travaillant par l’intermédiaire des plateformes, gagnent moins que le salaire horaire net du pays dans lequel ils travaillent.

Ces travailleurs sont par ailleurs, des travailleurs indépendants, plus rarement des salariés. Leur nombre est en progression et il augmentera encore dans le futur.

Mais le développement de ces plateformes pose, selon le rapport, la question du statut de ces travailleurs, au regard de la distinction entre travailleur indépendant et travailleur salarié.

Ces travailleurs peuvent apparaître en effet, comme des travailleurs indépendants, mais «économiquement dépendants», questionnant ainsi l’adéquation de leur statut d’emploi, avec la réalité de leur situation.

Selon la Commission européenne, plus de 90 % des plateformes de travail numériques opérant dans l’Union, qualifient les personnes qui travaillent par leur intermédiaire de travailleurs non-salariés. La Commission estime que «la plupart des travailleurs sont réellement autonomes dans leur travail, mais considère que de nombreux autres se trouvent dans une relation de subordination par rapport aux plateformes en étant soumis, à des degrés divers, à leur contrôle, par exemple s’agissant des niveaux de rémunération ou des conditions de travail».

Ainsi, selon la Commission européenne, «certaines personnes travaillant par l'intermédiaire de plateformes de travail numériques, ne bénéficient pas des droits en matière de travail et de protection sociale qui découleraient d'un statut professionnel, parmi lesquels le droit à un salaire minimum (s'il existe), à la réglementation du temps de travail et à la protection de la santé, aux congés payés ou à un meilleur accès à la protection contre les accidents du travail, aux prestations de chômage et de maladie, ainsi qu'aux pensions de vieillesse».

Or, pour certains, l’enjeu n’est pas celui du statut, mais celui des droits, le raisonnement étant que «si l’on règle la question des droits, on règle la question du statut». Il s’agit par conséquent, d’accorder aux travailleurs des plateformes «les droits qui leur font défaut, notamment par rapport aux salariés, afin d’éviter des actions en requalification pour obtenir un autre statut plus enviable du fait des droits qu’il emporte».

C’est la raison pour laquelle, il existe en parallèle, dans certains pays européens, des statuts intermédiaires particuliers, entre le salarié et l’indépendant, dans lesquels sont parfois classés les travailleurs de plateforme. Le statut de worker au Royaume-Uni a été d’ailleurs défini comme «une personne sous contrat travaillant personnellement pour accomplir un travail et dont le cocontractant pour lequel elle accomplit ce travail n’est pas le client».

Il s’agit en fait, d’une catégorie intermédiaire entre les salariés (employees) et les indépendants (self-employed). Ce sont «des travailleurs indépendants mais dépendants économiquement, qui bénéficient d’une partie des droits et protections du salariat: un salaire minimum, un maximum d'heures de travail, des congés payés, le principe d'égalité ou encore des droits syndicaux».

Rubrique «Lu Pour Vous»,

24 novembre 2022

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