Filion. M, Beauregard. C (Ss Dir.), Université du Québec en Outaouais, octobre 2006, 53 p.
1- En introduction à cet ouvrage, Michel Filion affirme que le vedettariat s’est considérablement élargi avec l’explosion des communications de masse. En effet, «du jour au lendemain, des individus atteignent le rang de stars, pour peu que des producteurs d’émissions-réalités les transforment en académiciens à grand renfort de publicité. Ce phénomène rend bien compte du pouvoir des médias. Des intellectuels l’ont aussi bien compris, et il est devenu courant d’utiliser les médias de masse pour alimenter une réflexion sur leur rôle, leur influence, leur pouvoir».
Il nous est ainsi, précise-t-il, régulièrement donné d’entendre à la radio ou de voir à la télévision, des professeurs et des penseurs dont la renommée déborde du cadre universitaire et intellectuel et qui jouissent même d’une «popularité» certaine. Noam Chomsky et Dominique Wolton, par exemple, «savent justement utiliser les moyens modernes, à des fins de rayonnement de leurs idées, aussi critiques soient-elles».
Prolongeant la pensée de Herbert Marshall McLuhan (1911-1980), l’auteur considère que les médias sont des prolongements des facultés humaines. Comme «la roue prolonge le pied, la radio prolonge la voix et la télévision prolonge la vue. Les ordinateurs, quant à eux, allaient devenir les prolongements du système nerveux central de l’être humain». Selon Mc Luhan, non seulement les outils de la communication prolongent les facultés humaines, mais ils en viennent à les transformer. Mc Luhan parle alors de la «simulation technologique de la conscience». Le canal devient plus important que le contenu, le média devient le message.
C’est une pensée métaphysique, note l’auteur, qui a l’avantage de traiter les médias comme un phénomène global, mais elle décontextualise en contrepartie, ces derniers pour en faire des entités autonomes. Les rapports de force sont ainsi «évacués du cadre théorique, qui sombre dans une forme de déterminisme technologique somme toute assez optimiste. Il n’est donc pas étonnant que McLuhan ait connu une immense popularité aux Etats-Unis, dont il ne remet pas en question les grands empires d’information et de communication».
Or, s’interroge l’auteur, sans apporter de réponse précise : en ce 21e siècle débutant, avons-nous droit à une information véritable, alors que triomphe l’économie de marché, et que les agendas politiques sont tout autant à l’ordre du jour qu’ils l’ont été depuis l’émergence des médias de masse?
2- Dans sa contribution («L’Afrique dans la nouvelle société de l’information»), Ndiaga Loum s’interroge lui aussi : «comment dans le contexte africain, les discours valorisant les paradigmes de l'information et de la communication, sont-ils systématiquement repris en relation avec la problématique de la mondialisation, pour déboucher sur une conviction partagée, qui consiste à faire passer la nouvelle solution de développement par l'appropriation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et la participation africaine à la société de l'information?».
Plus qu'une idée, la société de l'information semblerait être une réalité concrète, à laquelle on ne peut définitivement échapper sous peine d'être traités d'esprits volontairement attardés. Dans cette perspective, «les défenseurs des spécificités, qui luttent pour le maintien et la survie des identités, n'ont-ils plus de chance de faire triompher leurs idées désormais inhibées dans le triomphe des discours unificateurs qui associent mondialisation, universalité et globalisation ?».
Les idées et les théories qui ont fait recette sont généralement celles de Bill Gates, Nicholas Negroponte, Philippe Quéau ou Pierre Lévy, bref «tous ces auteurs qui accréditent l'idée qu'avec internet, on entre dans un deuxième monde virtuel n'obéissant pas aux mêmes contraintes que le premier monde matériel».
Parallèlement à cela, l'absence de distance critique est le propre du discours africain sur internet comme idéologie. Il a d'autant plus de chance de prospérer qu'il est repris, donc «validé par les experts, sur un terrain où la recherche en sciences sociales sur internet et les NTIC comme idéologie est quasiment absente».
Il ne reste plus alors, affirme l’auteur, qu'à admettre que la mondialisation de l'économie, son pendant, est un fait têtu auquel appartient l'Afrique, et «qu'elle devrait être perçue comme une idéologie de la pensée unique qui voit le salut de l'Afrique dans l'exercice d'une politique économique unique, caractérisée par la productivité, la compétitivité, le libre-échange, la rentabilité, l'insertion au marché mondial. Sous cet aspect, la mondialisation apparaît comme promesse d'humanisation uniforme de l'homme ou de l'homogénéisation».
Toute la question, fait remarquer l’auteur, est de savoir si les Africains, largement tributaires de l'aide internationale pour résoudre des problèmes sociaux, économiques élémentaires, ont la possibilité de se protéger et même de s'interroger sur le sens de leur participation à ce nouveau monde, cette «nouvelle» société de l’information ?
3- Dans un papier intitulé «la glocalisation de l’information et l’émergence d’une nouvelle logique médiatique», Jean-François Simard observe que la pensée systémique du Canadien Marshall Mc Luhan a marqué, dans les années soixante, une étape importante dans la conceptualisation de ce phénomène hétéroclite que l’on appelle la globalisation de l’information.
C’est toutefois au sociologue britannique Roland Robertson que l’on doit, trois décennies plus tard, le néologisme «glocalisation». Appliquées à l’univers de la communication, la globalisation et la glocalisation ont pour même vecteur fondamental ce qu’il est désormais convenu d’appeler les nouvelles technologies de l’information (NTIC).
La question, estime l’auteur, est celle de savoir «si on doit absolument opposer le global au local, comme deux entités absolument irréconciliables, au même titre que la sociologie a longtemps opposé la tradition à la modernité ou la ruralité à l’urbanité?».
La glocalisation présuppose que «le local est et reste l’essentiel de la condition humaine». La glocalisation a pour fondement un rapport à l’autre, qui s’inscrit non seulement dans la solidarité (la communauté d’esprit), mais encore et surtout dans la proximité (la communauté de lieu).
Paradoxalement, la globalisation de l’information accentue la dynamique de glocalisation car, la globalisation implique davantage que l’idée de la fin de l’isolement géographique. En effet, «sous l’impulsion des NTIC, la globalisation de l’information a aussi pour corollaire l’instantanéité de la communication. Ce phénomène crée un nouveau rapport à la temporalité, en ce sens qu’il implique une communication en temps réel. Globalisation et glocalisation divergent dans leurs rapports à la territorialité et la temporalité. Leurs acceptions théoriques réfèrent à une interprétation différenciée du monde», Immanuel Wallerstein estimant pour sa part, que la glocalisation implique un double processus d’universalisation des particularismes et de localisation des universalismes.
L’émergence des médias numériques vient changer la donne. Nous revenons implicitement à la théorisation de Marshall Mc Luhan, selon laquelle ce n’est pas le contenu informationnel qui conditionne la société, mais plutôt le moyen de transmission en lui-même : «the medium is the message !». La diffusion de l’information n’est plus aussi systématiquement datée, située, signée et exclusive que par le passé.
En somme, la glocalisation de l’information et l’émergence des médias numériques concourent à l’édification d’un nouveau rapport à l’espace et au temps. Ce nouveau rapport prévaut non seulement pour les émetteurs (les entreprises médiatiques), mais aussi pour les récepteurs. En même temps, dans le monde de la communication glocalisée, il n’y a plus de grands ou de petits médias, «il n’y a plus, comme le rappelle le sociologue Anthony Giddens, qu’une information qui circule et se répand, à l’image d’une plante vivace, dont on ne pourra jamais arrêter la progression».
4- Dans «la diplomatie publique des États-Unis : problème de ressources ou problème politique ?», Claude Beauregard affirme que, depuis quelques années, l’hostilité envers les États-Unis connaît une progression tout à fait remarquable.
Une enquête du German Marshall Fund, publiée en Septembre 2004, montre une dégradation continue de la relation transatlantique : 76% des citoyens de l’Union européenne désapprouvent la politique de Georges Bush, soit une augmentation de 20 points par rapport à 2002. Dans le monde arabo-musulman, l’image des Etats-Unis s’est détériorée de façon dramatique. En 2000, il y avait en Turquie, 52% d’opinions favorables aux États-Unis, en 2003 on n’en recensait plus que 15%.
Pour le gouvernement Bush, une simple augmentation des sommes consacrées à la diplomatie publique, et une plus grande implication dans le domaine des communications internationales semblent suffire. Ses détracteurs assurent que seuls des changements importants dans la conduite des relations internationales pourront modifier l’image que l’on se fait des États-Unis à l’étranger.
Et bien «qu’une guerre de l’information se déroule présentement entre les États-Unis et le reste du monde, il n’en demeure pas moins que la diplomatie publique doit avant tout reposer sur une stratégie cohérente. Elle doit aussi s’inscrire dans une approche générale à long terme».
En fait, et contrairement à ce que pensent les néoconservateurs et plusieurs membres de l’administration Bush, la puissance d’un pays ne repose pas seulement sur la force militaire et la force économique. Le concept de soft power, tel que développé par le professeur Joseph Nye, montre l’importance du pouvoir des idées. Ainsi que l’affirme Nye, «softpower is the power of attraction, not the power of coercion». Ce sont les idées qui transforment le monde et non la violence. A Washington, note l’auteur, les nostalgiques de la guerre froide devraient réfléchir à cette citation de Napoléon : «Je redoute trois journaux plus que 100000 baïonnettes».
Rubrique « Lu Pour Vous »
11 Juin 2009