Marini. P, Rapport, Sénat, Paris, avril 2010, 238 p.
1- La dématérialisation du commerce constituait déjà un fait de société, note l’auteur en préambule à ce rapport. Il devient de plus en plus nécessaire, dit-il, «de s’interroger sur l’importance des flux transfrontaliers de prestations de services dématérialisées, le poids des facteurs fiscaux dans le choix d’implantation des principales entreprises et les effets induits en termes de recettes fiscales applicables au développement des services en ligne».
Tout le problème, estime-t-il, est d’assurer la connaissance et la maîtrise des flux de richesses engendrés par l’essor de l’économie numérique, pour éviter le risque que la croissance rapide du commerce électronique ne mette en danger les recettes procurées par les impôts dont notamment la TVA et l’impôt sur les sociétés.
Pour ce dernier, la dématérialisation des créations de richesse risquerait de remettre en cause les fondements sur lesquels il repose : le principe de territorialité, la détermination de la localisation des revenus, et la notion d’établissement stable.
2- En France, le poids du commerce électronique reste pour l’instant relativement limité. Il représente 1,1% de la consommation des ménages en 2008 (15 milliards d’euros pour une consommation des ménages français s’élevant à 1 409 milliards d’euros), soit, à périmètre comparable, 3,4% du commerce français dans son ensemble.
Néanmoins, il possède un fort potentiel de croissance, pense l’auteur, du fait que le marché du commerce des entreprises vers les particuliers a doublé entre 2006 et 2010 et devrait atteindre une taille de 28 milliards d’euros d’ici 2014, sous l’effet cumulé de plusieurs facteurs :
• l’augmentation de la pénétration de l’internet dans les foyers qui devrait passer de 58% en 2007 à 73% en 2012,
• l’augmentation du nombre de cyber acheteurs, de 20 millions en 2007 à 30 millions en 2014.
Si la France, estime l’auteur, fait partie des grands pôles de développement du commerce électronique en Europe, elle accuse un retard par rapport à ses voisins anglais, allemands et scandinaves. Le taux de «cyber acheteurs» en France est, en effet, de 40% de la population alors qu’il est de 57% en Grande-Bretagne, de 53% en Allemagne et de 55% dans les pays scandinaves. La dépense moyenne d’un acheteur en ligne français serait de 750 euros par an, soit un niveau similaire à celui de l’Allemagne, mais très inférieur aux 1 200 euros par acheteur en ligne anglais ou aux 1 000 euros des internautes scandinaves.
Quatre principaux segments (tourisme, produits technologiques, habillement et produits culturels) représentent les trois-quarts du marché du commerce électronique, soit 12,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur un total de 17 milliards d’euros. Le tourisme domine ce marché en raison de la forte adoption de ce mode d’achat largement dématérialisé.
En effet, «dans la mesure où le secteur du tourisme vend des prestations de services et où la réservation est centralisée, internet s’est avéré un média particulièrement adapté aux besoins des consommateurs : 76% des acheteurs en ligne auraient déjà fait l’acquisition d’un produit de tourisme (hébergement, vols secs, séjours packagés), ce qui en fait le deuxième segment du marché derrière les produits culturels (78% des acheteurs en ligne ayant déjà acquis ce type de produit)».
3- Pourtant, pense l’auteur, le commerce électronique est considéré comme une «zone à risque fiscal» en raison de l’internationalisation et de la dématérialisation croissante des flux et du fait que la structuration de ce commerce, qui englobe les transactions de biens et de services effectuées au moyen d’un réseau électronique, comporte plusieurs réalités :
- le commerce B2C (business to consumer), constitué d’entreprises ayant mis à profit internet pour développer un nouveau canal de vente de produits et/ou services à destination des particuliers,
- l’intermédiation C2C (consumer to consumer) qui permet la structuration du secteur informel de la vente entre particuliers,
- le commerce B2B (business to business) qui concerne le commerce interentreprises.
Le modèle économique du commerce électronique se caractérise par des marges réduites qui affectent mécaniquement les bénéfices et le chiffre d’affaires, donc l’impôt sur les sociétés (IS) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
En matière de TVA, plus que la question de convergence des taux, l’enjeu principal demeure le contrôle effectif des transactions, «le point le plus difficile à résoudre étant encore la surveillance aux frontières de l’Europe».
Quant à l’impôt sur les sociétés, il est au coeur des difficultés soulevées par la localisation de la richesse créée par le commerce électronique. En effet, «le système international en vigueur pose le principe selon lequel les revenus produits sur un territoire y sont taxés. Mais, la dématérialisation des services pose la question du lieu où sont créés les revenus, battant ainsi en brèche le principe fiscal français de territorialité de l’impôt».
Par ailleurs, dans la mesure où commerce électronique et commerce traditionnel revêtent des réalités différentes, il ne semble pas anormal, pense l’auteur, «que chaque type de commerce possède des avantages et inconvénients propres. Mais en vertu du principe de neutralité fiscale, ne serait-il pas inenvisageable de créer une assiette spécifique pour le commerce électronique ?».
Rubrique « Lu Pour Vous »
6 Janvier 2011